CASTRES : 9 SALARIES A 69€ EN INDE. LA DROITE FEINT DE S'INDIGNER !

Publié le par Tourtaux

Castres. 9 salariés reclassés en Inde pour 69€ : le PDG s'explique

François Morel, l'un des deux PDG de l'entreprise textile, explique pourquoi il a proposé de reclasser ses salariés en Inde pour 69€.


Depuis New-York où il réside et où il a un bureau, l'un des deux PDG de l'entreprise de textile Carreman a tenu à s'exprimer hier au sujet de sa proposition de reclasser neuf salariés licenciés du site castrais du Travet dans une usine du groupe en Inde pour 69 € par mois. François Morel, 48 ans, comprend les réactions indignées des syndicats et des salariés mais plaide non coupable pour cette proposition jugée « scandaleuse ». Interview du patron de ce groupe textile dont le siège est à Castres mais qui dispose d'un autre site en Ariège, d'usines en Roumanie et en Inde.


Pourquoi avoir fait cette proposition à vos salariés ?

C'est la loi française qui nous oblige à faire par écrit une proposition de reclassement si on dispose d'autres sites même si c'est en Papouasie ou au Bangladesh. Je suis conscient que c'est stupide mais c'est la stupidité de la loi. Mais je n'ai évidemment jamais fait cette proposition oralement à mes salariés qui savent que je dévoue ma vie à Carreman et que je fais ce que je peux même si je reconnais que l'on ne s'en sort pas bien en ce moment. J'ai toujours été clair avec les salariés. Et, croyez-moi, je préfère travailler en France avec des Français qu'à l'étranger.


Pourquoi avoir délocalisé alors ?

J'ai toujours défendu le travail en France. Mais nous sommes dans un milieu très concurrentiel avec des clients qui ne sont pas toujours très loyaux et qui veulent acheter de plus en plus loin pour payer de moins en moins cher alors qu'ils revendent toujours au même prix. On a été obligé de délocaliser sinon c'était la fin. Et ces délocalisations nous ont d'ailleurs permis de préserver de l'emploi en France.


Mais vous licenciez encore neuf personnes à Castres…

Carreman a 20 ans cette année. Et si, sur les 10 premières années, nous avions une forte croissance, ce qui nous a d'ailleurs permis de racheter à l'époque des entreprises autour de Castres, ce qui prouve que par le passé on a fait en sorte de sauver de l'emploi, aujourd'hui nous vivons des moments extrêmement difficiles avec cette crise mondiale qui est en train de nous tuer.


Envisagez-vous d'autres licenciements sur les 90 employés que vous avez à Castres ?

Je ne sais pas ce qui va se passer dans les semaines qui viennent. Je suis très inquiet. Je ne dors pas bien. J'ai des nœuds dans le ventre car je ne vois pas le bout du tunnel. Nous sommes sans doute à l'aube d'une grande catastrophe. Cela fait six mois que l'on tient mais on ne tiendra pas comme cela longtemps. Et d'ailleurs si on est encore debout par rapport à certains de nos concurrents qui ont déjà déposé le bilan, c'est parce qu'on a délocalisé.


Pensez-vous pouvoir bénéficier des différents plans de relance du gouvernement ?

Ne me parlez pas des gouvernements, qu'il soit de gauche ou de droite, on n'a jamais été aidé. Il y a d'abord eu les 35 heures qui ont été un coup de massue pour la filière textile. Ensuite on a libéré le marché en supprimant les quotas qui nous aidaient bien avant. Et maintenant on entend le gouvernement actuel qui a décidé de sauver l'automobile. Et nous rien. C'est inadmissible.


Un voyage à Bora-Bora accroît la colère des salariés

Déjà accablés par les licenciements et cette proposition d'aller travailler en Inde pour 69 €, les salariés étaient encore plus en colère hier après avoir entendu qu'un voyage à Bora-Bora était prévu prochainement pour les commerciaux du groupe. « Les patrons nous licencient mais pour faire des bureaux tout neufs sur notre site des Salvages ou pour partir à Bora-Bora en voyage avec les commerciaux, ils savent trouver l'argent », s'insurgeait un salarié. « Ce n'est pas un voyage touristique, nous a répondu le PDG François Morel. Il s'agit d'un voyage d'affaires, comme nous le faisons chaque année, avec nos clients. Il tombe mal, c'est sûr, mais il était programmé depuis longtemps et nous avons déjà versé des arrhes. Et même si nous avons diminué le nombre de participants de 100 à 50, ce sont des voyages nécessaires comme le font tous nos concurrents. Car on sait qu'à chaque fois cela permet de signer des commandes qui nous rapportent 8 fois le coût du voyage.»


L'indignation des élus sud-tarnais

Pascal Bugis, maire UMP de Castres et président de la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet : « Une telle proposition n'est pas responsable. Autant je ne suis pas par principe adversaire de la mobilité, autant là on est dans la démesure. Je ne peux que comprendre la réaction des salariés ».

Philippe Guérineau, conseiller municipal d'opposition « Castres à gauche vraiment » : Au cœur de la crise économique, avec 3 000 chômeurs de plus chaque jour dans notre pays, le gouvernement UMP et ses représentants locaux osent maintenir le bouclier fiscal et s'opposent au bouclier social. Les mêmes refusent de voter toute proposition de loi permettant d'interdire des licenciements dans des entreprises réalisant des profits ou bénéficiant de fonds publics. À Castres, dans tout notre Bassin d'emploi, a-t-on seulement anticipé les conséquences de la crise économique et sociale pour un secteur textile déjà profondément sinistré depuis des années ? Les questions se bousculent quand se rajoute à des licenciements une proposition ubuesque d'un « reclassement » à Bangalore pour quelques roupies. Si la loi le permet, il faut donc au plus vite changer la loi. Les 360 milliards reçus par les banques ne servent-ils qu'à reconstituer leur taux de profit ? Qu'en est-il des aides financières promises aux PMI-PME ? Force est de constater que le « Plan de relance » est un échec. L'entreprise Carreman symbolisait le dynamisme d'un secteur industriel qui résistait à la crise grâce au savoir-faire de ses cadres et employés. Que font donc nos élus à l'échelle locale, de la Communauté d'Agglomération, sans oublier nos députés du Sud Tarn ? Il est grand temps de mettre en place un « Observatoire de l'emploi » réclamé depuis des mois, d'instituer un moratoire sur tout licenciement. En tout état de cause, une « cellule de reclassement » digne de ce nom doit pouvoir agir.

Philippe Folliot, député (app. Nouveau centre) de Castres-La Montagne : « Je comprends l'émotion et l'indignation de telles propositions. L'obligation légale est en effet de proposer un reclassement et une jurisprudence précise que si c'est un groupe il doit le proposer dans ses filiales. Pour moi, il est important de faire modifier les textes qui codifient cette obligation. A la notion d'emploi équivalent, il faut rajouter la noption de salaire équivalent. Je proposerai un amendement dans ce sens. Au-delà de cette situation il ne faut pas stigmatiser l'industrie textile qui concerne plusieurs centaines de salariés sur notre bassin avec des gens qui se battent pour préserver l'emploi et l'innovation. En tant que vice-président du groupe textile à l'Assemblée nationale, je me bats pour permettre à cette industrie, malgré ses difficultés, de résister et se développer ».

Un responsable syndical CGTde Castres : « la direction de Carreman se retranche derrière la loi. mais la loi ne les empêche pas de licencier « proprement ». Un petit chèque plutôt qu'un reclassement en Inde aurait été plus tolérable. Les salariés de Carreman n'ont pas l'habitude de s'exprimer, ils sont isolés. Ils sont soulagés que l'opinion publique ait pris connaissance de leurs difficultés. ils ont l'impression d'être moins seuls dans leur petit monde. »
Source : La Dépêche

Publié dans Lutte des classes

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