JE HAIS LES COUPS D'ETAT
Source : Cuba Si Lorraine
La nuit la Résistance ... par Alain Girard
Je hais les coups d’état
mardi 28 juillet 2009, par Comité Valmy
Je hais les coups d’état, je hais la violence aveugle d’hommes de pouvoir quant ils ne sont pas de simples nervis, ceux là sont sans doute les pires,
Je hais la lâcheté qui fait frapper tout un peuple, une nation, au petit matin ou au coucher, c’est selon,
Je hais les commanditaires, banquiers, affairistes, les sans morale, les hommes du capital,
Je me souviens, c’était en 74 , je suivais décomposé mon premier coup d’état ou plutôt le premier que je pouvais comprendre, enfin pas comprendre ni accepter mais enfin vous connaissez cela,
C’était l’Unité Populaire, Allende, Néruda,, la droite chilienne mobilisait les poids lourds et leurs chauffeurs, ils coupaient déjà le Chili en deux comme il le firent ensuite avec Victor Jara,
Ils manifestaient au son des casseroles, ils gagnèrent au son des bombes et des armes automatiques,
Je me souviens de cette camarade socialiste chilienne, réfugiée en France, elle faisait le ménage, j’étais son petit chef, je lui ai trouvé une salle pour tenir une réunion, j’y étais l’invité,
C’est là qu’elle et les siens m’ont offert ces bouleversants objets, une tasse et un pot avec son couvercle en terre cuite, peints en noir,
C’était son mari et ses camarades qui les fabriquaient pour survivre, pour survivre dans leur prison chilienne après y avoir enduré sévices et tortures, ils étaient au fond de la nuit, leur nuit et brouillard du pays de Pablo,
Ces socialistes chiliens, bien loin de ceux d’ici, me racontèrent Fidel et Cuba, Néruda et l’Espoir, l’Unité Populaire, le retour,
Elle me laissait pantois, prête à rentrer au Chili pour reprendre son combat, leur combat, quelqu’en soit le prix car la dignité, la liberté ne s’achètent pas, elles se conquièrent,
J’ai oublié son prénom, celui de ses compagnes, tout comme j’ai oublié celui de ce jeune palestinien à qui je donnais ce que je pouvais et qui apprit ici le mot solidarité avec , en retour,cette carte postale de Jordanie, barrée du même mot, il était rentré se battre,
Je n’ai pas oublié Muza, il cachait les armes de la guérilla kurde, l’armée l’a tellement torturé, je ne peux pas l’effacer pas plus que que Kénan, une partie du cou arrachée par une balle américaine, d’un fusil américain, d’un soldat turc,
Je ne peux gommer ces femmes qui partout portent les journaux, les armes, les messages, les enfants, l’avenir,
Je sais qu’aujourd’hui c’est le Honduras, le sang imprègne la terre, les hommes tombent les mains vides, ils n’ont qu’un tambour pour combattre le canon disait Brel,
Je sais aujourd’hui pourquoi les Farc ne se rendent pas,
Je me souviens de cette petite pomme fripée, ce bout de femme qui me racontait dans son français toujours hésitant, elle me disait sa vie,
C’était il y a longtemps et c’est si près encore,
Elle ne savait ni lire ni écrire, elle travaillait aux champs, du matin à la nuit et seule, le soir, la radio apportait un peu de nouvelles, un peu de lumière dans une vie étale, de misère,
Elle m’a raconté ce jour où une femme prit la parole dans la boîte sonore, elle laissa tout en plan, les oreilles grandes ouvertes, elle me confia qu’à cet instant elle avait su où aller, que faire, que choisir, où se trouvait l’avenir,
Elle venait d’écouter Dolorés Ibarruri, la Pasionaria du peuple d’Espagne,
Infirmière de l’armée républicaine, son mari combattant des Brigades Internationales, des êtres de chair et de sang, en connaissant le prix et la douleur,
Ils quittèrent leur Terre sacrée inondée du sang des enfants d’Espagne et des milliers de volontaires,
Ce fut la retirada,
Elle eut, ils eurent deux enfants, une fille, un gars,
Leur fils faisait encore des cauchemars bien après, bien après qu’il ait vu son père, tué, assassiné par des gendarmes, il était un FTP-MOI, un partisan espagnol engagé dans l’armée de l’ombre française, abattu par des gendarmes français,
Elle demanda la nationalité française et elle attendit patiemment plus de 30 ans pour l’obtenir, elle avait des médailles, mais elle possédait surtout cette photo prise en Espagne, celle de son homme, du père de ses enfants,
Carmen, c’est elle, me racontait Franco, le coup d’état, ses yeux luisaient de colère, elle haissait la guerre ,
Carmen n’est plus là, mes camarades sont dispersés, aucun ne regrette, je le sais, ils ont fait ce qu’ils pouvaient, tout ce qu’ils pouvaient,
Un putchiste ne peut, ne sait dormir sereinement, il sait,
il sait que ces femmes et ces hommes se sont prolongés, ils sont en Colombie, au Honduras, ils ont déposé les armes à Cuba mais sont prêts à toute éventualité,
Un putchiste peut penser dormir tranquille, la conscience du travail accompli mais il ne peut que penser dormir tranquille, la nuit la Résistance veille !
Alain Girard