BELGIQUE : LES SALAIRES DANS LE COLLIMATEUR DE LA DICTATURE DE L'UNION EUROPEENNE
La Commission européenne a fait ses recommandations à l’élève Belgique. Le gouvernement semble divisé mais l’attaque se précise sur les salaires.
La Commission affirme que l’élève Belgique avance – lisez dans la voie néolibérale – mais doit beaucoup mieux faire. Elle avance des recommandations très précises comme :
- Une réforme de l’indexation des salaires
- Lier l’âge de la pension à l’espérance de vie
- Couper dans les dépenses de santé
- Augmenter le capital des banques les plus fragiles
« Le terme recommandations est peut-être trompeur. Si nous nions ces recommandations, nous pourrons nous voir infliger des amendes ! » déclare Karel De Gucht, commissaire européen.
C’est que la Commission européenne a reçu des pouvoirs d’intervention politiques dans des domaines qui étaient jusqu’à alors de la compétence exclusive des États nationaux. En particulier dans les domaines budgétaires et socio-économiques. La Commission a ainsi le pouvoir de sanctionner si ces recommandations ne sont pas suivies à terme.
Tout ceci a été ficelé dans le cadre du « six-pack » qui a été voté par le Parlement européen en septembre dernier. Une partie de ce paquet est liée au volet « budget » de la politique d’austérité, l’autre sur ce qui est appelé les « déséquilibres macroéconomiques ». C’est sur ce dernier volet que la Commission avait fait un premier rapport le 14 février sur 12 pays de l’Union européenne – dont la Belgique – dont la situation était jugée préoccupante. Elle fait maintenant des recommandations très précises à ces pays qui ressemblent à des diktats.
Il s’agit d’une uniformisation des politiques vers la droite (dans le sens de Merkel et consorts), sur une base de plus en plus anti-démocratique. Ainsi, dans les recommandations faites à la France, la Commission avance que les salaires minimums ne peuvent pas être relevés, même si une majorité parlementaire se dégageait dans ce sens. Pour la Belgique, la Commission va encore plus loin que l’accord antisocial du gouvernement Di Rupo. Ce qui explique que si l’Open Vld applaudit les recommandations, le PS émet des sérieuses réserves.
On notera toutefois que le PS et le sp.a ont voté, avec les libéraux, sociaux-chrétiens et écologistes, au Parlement européen la partie du six-pack concernant les « déséquilibres macroéconomiques » : s’ils dénoncent aujourd’hui que la corde de la Commission se resserre sur la Belgique, ils lui ont donné le droit de le faire par leur vote.
La lecture du rapport est particulièrement édifiante sur la question de la formation des salaires. Qui ne concerne pas que l’index. Particulièrement précise, la Commission s’est basée sur une étude du Voka, l’organisation patronale flamande, comme l’a expliqué Thierry Giet pour le PS. Pas étonnant que la FEB appelle à l’application intégrale des recommandations.
Outre sa demande de révision de l’index, la Commission s’ingère directement dans les négociations sociales. C’est une manière de dire que le gouvernement doit intervenir en faveur des patrons. Ce qui va inciter les patrons à ne plus rien concéder. C’est une manière de tenter de mettre de côté les syndicats sur une de leurs prérogatives, la négociation sociale qui existe encore un peu à l’échelle nationale, mais qui est inexistante à l’échelle européenne.
La Commission estime que la Belgique est à la traîne au niveau de la compétitivité en comparaison avec ses voisins. Mais elle admet noir sur blanc que le « déficit de compétitivité » de la Belgique est dû à l’Allemagne : « Le fait que les salaires augmentent plus que chez leurs voisins est principalement dû à la modération salariale allemande. » C’est le modèle allemand – avec ses millions de travailleurs pauvres – qui est clairement propagé par la Commission.
Le rapport pointe « la rigidité des salaires » due à l’index et aux accords interprofessionnels comme un facteur qui empêche aux patrons de faire jouer la concurrence entre travailleurs dans le pays même. Il plaide clairement pour des accords limités aux entreprises ou à des sous-secteurs pour briser cette solidarité entre travailleurs. Ce qui est un argument de choc pour précisément défendre plus que jamais l’index et un bon Accord interprofessionnel (AIP) qui doit être conclu avant la fin de l’année.
Visiblement, la Commission ne plaide plus pour attaquer frontalement l’index. Mais l’attaque sur les salaires est plus pernicieuse.
Karel De Gucht l’explique : « Ce que veut la Commission européenne est que quelque chose se fasse sur notre coût salarial. On peut le faire directement en intervenant dans l’indexation ou on peut chercher des mesures indirectes. »
Ce qui donne concrètement :
- La Commission plaide à fond pour une norme salariale post-correctrice, qui diminue les salaires s’ils ont augmenté trop brusquement
- Elle défend les accords all-in qui contractent les augmentations salariales si l’index est élevé
- Elle avance la diminution du poids de l’énergie dans le panier de la ménagère servant au calcul de l’index
Elle avance surtout la nécessité d’une baisse des cotisations sociales sur les salaires (ce qu’on appelle le salaire indirect servant à financer la Sécurité sociale) et une augmentation des taxes environnementales.
C’est sur ces derniers points que le gouvernement Di Rupo pourrait commencer à appliquer les recommandations de la Commission européenne. Car elles touchent au salaire indirect et pas au salaire poche, tout en cachant qu’elles menacent la Sécurité sociale.
La vigilance, l’information et la mobilisation seront nécessaires dans les prochains mois pour arrêter ces nouveaux plans antisociaux.