COMMEMORATION DE LA GREVE DU PUITS DAHOMEY A CALONNE : DISCOURS DE DENIS DUPORGE, SECRETAIRE DE LA CGT D'AUCHEL

Discours prononcé par Denis Duporge, secrétaire de l'Union Locale CGT d'Auchel
Le devoir de mémoire de la classe ouvrière est d’honorer la résistance des 100 000 mineurs qui, en mai-juin 1941, ont, pendant deux semaines, fait grève pour des justes revendications, et ce malgré l’oppresseur
nazi qui voulait les asservir et les faire taire, et le patronat des Mines qui profitait de la dissolution du PCF dès septembre 1939, puis de la CGT par les lois pétainistes , pour encore plus exploiter nos camarades, par la force et la répression.
Cette commémoration à Calonne-Ricouart marque après la commémoration de Bruay-la-Buissière le 29 avril dernier et avant celle qui aura lieu demain samedi 28 mai à 18h30 au puits Dahomey de Montigny-en- Gohelle où débuta la grève, le 70ème anniversaire de la terrible répression qui s’abattit sur plus de 400 militants, adhérents de la CGT ou/et de partis progressistes, au printemps 1941.
Avec cette grève, nos courageux et déterminés camarades de la CGT devenue clandestine, qui pour la plus-part étaient aussi membres du Parti Communiste lui aussi devenu clandestin, ont ouvert la voie de la résistance, celle des FTP, des FTP-MOI, des FFI… Un Front de résistance et de sabotages contre l’appareil de production de guerre, qui sera reconnu en 1945 par l’ensemble des puissances alliées contre les fascistes.
Ces mouvements de résistance si différents se sont unis sous l’impulsion de Benoît Frachon, de Jean Moulin, de De Gaulle, de Maurice Thorez... pour créer le Conseil National de la Résistance qui aboutira à d’énormes avancées sociales.
Des droits nouveaux créés et bâtis pour les travailleurs et par les travailleurs, ces mêmes progrès sociaux que le gouvernement d’aujourd’hui tente de détruire pour mettre en place sur fond de re-mondialisation du capital, l’ultra-libéralisme destructeur de droits, de services publics et d’emplois… Un gouvernement qui parle de nos martyrs comme étant les siens alors que de par son action, il les bafoue !
L’ identité syndicale CGT s'est construite sur des valeurs de résistance, de solidarité et d'humanité qui se sont traduites, dans l'histoire de notre bassin minier, par la volonté de lutter ensemble dans les combats de classe autour de grandes causes progressistes locales, nationales et internationalistes… 84 nationalités ont lutté contre le nazisme et ses alliés et on nous parle d'identité nationale ???
Contre la guerre et pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, pour la liberté et les droits fondamentaux, la CGT et le PCF du Pas de Calais ont toujours été de tous les combats avec certains socialistes sincères… Ils le sont encore aujourd’hui sur des principes, des valeurs et des revendications justes qui ne sont pas liées à une "mouvance" politico-syndicale quelconque !
Arrêtés, emprisonnés, torturés, déportés, nos camarades martyrs se sont engagés avec courage et abnégation jusqu’à la mort qui fût parfois atroce et innommable, intolérable et inexcusable… même 70 ans plus tard… nous ne pouvons oublier !
Leurs revendications légitimes, la liberté pour le Peuple, la fierté d’appartenir à une nation, le maintien malgré de danger de continuer et de faire vivre la CGT et les partis progressistes et leurs histoires de luttes à peine 5 ans après 1936, ont été plus importantes que leur propre vie.
Leur engagement, leur sacrifice ont été exemplaires et porteurs d'un message universel fort: ensemble et malgré les différences et le danger quotidien, on pouvait réaliser des choses exceptionnelles, héroïques, pour de grandes causes humaines telle que de se libérer de l'oppresseur nazi et ses sous fifres du patronat collaborateur.
Camarades, être à Calonne-Ricouart aujourd’hui, c'est être porteur de cet espoir, de cette vérité pour continuer à faire vivre ces exemples d'hommes debout au service de la liberté et de la dignité humaine.
Soyons des milliers pour honorer leur mémoire dans notre mémoire collective de luttes de classe pour bâtir des projets communs au service de tous dans le respect mutuel et pour des siècles sans guerre.
Quelles que soient nos croyances, nos religions, nos affinités politiques et syndicales, nous devons nous retrouver afin de poursuivre les combats d’hier et d’aujourd’hui. Des combats pour l'ensemble de l'humanité, à commencer par le combat pour la Paix alors que la France est engagée dans deux guerres.
Mais aussi les combats qui nous paraissent indissociables, ceux pour la justice sociale et la reconnaissance de chacun dans cette société de plus en plus repliée sur elle-même, où misère, racisme et individualisme gagnent du terrain pour alimenter le fumier malodorant du parti fasciste qui s’affiche sans vergogne.
Oui camarades, le parti fasciste s’affiche sans contrainte tout près d’ici à Hénin-Beaumont ou ailleurs, et même si en façade il paraît s’assagir, le parti fasciste continue à mentir et à vomir la haine des autres. 70 ans plus tard. Le spectre fasciste est là devant nous, à quelques mètres de nous. Les idées de la bête immonde ne sont pas encore détruites, la haine et la volonté d’une supériorité de race ou religieuse sont toujours bien présentes. Et elles se propagent dans les masses populaires comme la gangrène… La CGT combat cette menace avec force et détermination.
Comment est-il possible que des travailleurs tombent dans ce piège démagogique et populiste miné par les mensonges, quand des dizaines de milliers de travailleurs de dizaines de nationalités différentes sont morts en martyrs pour avoir défendu des idéaux d’humanisme, de solidarité et de fraternité ?
Nos mineurs morts assassinés par les hordes nazies portaient des noms d’ici et d’ailleurs, ils étaient nés ici et ailleurs, et pourtant ils se respectaient et s’entraidaient... sans racisme ni haine.
Dénoncés, arrêtés, emprisonnés, torturés, fusillés, déportés, gazés, brûlés… parfois à la fleur de l’âge, nos camarades sont restés dans nos mémoires comme nos héros, nos véritables héros, nos héros-mineurs parmi les 100 000 camarades de la CGT et du PCF tombés face aux fascistes nazis et français.
Camarades, quelle leçon de force de ces travailleurs des mines, frères de luttes de Guy Moquet, de Maïa Politzer, de Martha Desrumaux et de tant d’autres, jeunes et moins jeunes, qui ont mis leur vie totale au risque de la perdre à jamais, au service d'un idéal de liberté et de fraternité.
Quelle leçon tirer de la déportation de nos camarades du secteur, Simon Afanasjew de Marles-les-Mines mort à Wewelsburg en avril 1942, Georges Delattre d’Auchel mort à Dora en mars 1944, Adrien Delobelle d’Auchel mort à Sachsenhausen en décembre 1942, Paul Jendryka de Marles-les-Mines mort à Sachsenhausen en novembre 1941, Léon Lefebvre de Saint-Pierre-les-Auchel mort à Sachsenhausen en mai 1942, Jules Pontier d’Auchel mort à Bergen-Belsen en avril 1944, François Salembier d’Auchel mort à Sachsenhausen en avril 1942… Tous avaient défié l’occupant en Mai-Juin 1941…
Dans notre époque de chaos et de division à l’intérieur même de notre classe sociale dont les intérêts sont fondamentalement opposés à ceux des patrons et des nantis de la finance, l’engagement de nos camarades mineurs, résistants et martyrs, nous invite à être porte-paroles des valeurs de la solidarité, de l'entraide, de la fraternité de classe et du refus de l'exclusion.
Gloire à nos martyrs mineurs, résistants, syndicalistes CGT ou membres du PCF, tombés sous le joug du nazisme et de leurs collaborateurs fascistes patronaux.
Gloire à la résistance ! Honneur à leur mémoire et à leur courage !
Ils étaient Mineurs. Ils étaient Français, Polonais, Yougoslaves, Portugais, Espagnols, Italiens. Belges…
Ils ont été fusillés dans les citadelles d’Arras, de Lille, d’Amiens, dans les forts du Vert-Galand à Verlinghem ou du Curgies à Valenciennes, dans les prisons de Cuincy et de Loos les Lille, et dans la forêt de Champigneulles en Meurthe et Moselle, décapités, pendus, affamés dans les camps…exterminés par des barbares dont l’idéologie meurtrière n’est pas morte le 8 mai 1945.
Ils étaient nos camarades, ils étaient des cégétistes, ils étaient des communistes, ils étaient des socialistes... Ils étaient pour la liberté !
Par MJCF du Pas-de-Calais