GARD : UN LOGICIEL "PERMISSIF" DE GESTION A L'ORIGINE D'UN SCANDALE QUI ECLABOUSSE 4 000 PHARMACIES

Publié le par Tourtaux

Édition du jeudi 9 décembre 2010

Gard Le logiciel "permissif" de gestion à l'origine d'un scandale qui éclabousse 4 000 pharmacies

Le logiciel permissif de gestion à l'origine d'un scandale qui éclabousse 4 000 pharmacies

Stéphane BARBIER




Au départ, c’est une banale enquête liée à une fraude sur des ordonnances bidonnées qui a incité la Sécu et les gendarmes à se pencher sur le cas d’une pharmacie gardoise. Derrière une première fraude de 50 000 €, les investigations de la gendarmerie ont permis de mettre au jour l’existence d’un logiciel “permissif” qui peut effacer une partie des recettes des officines.

Ainsi, de l’argent disparaissait des comptes de la pharmacie disposant du programme informatique. Cette truanderie fiscale serait estimée à 5 000 € par mois. La commission rogatoire d’un juge d’instruction nîmois aurait révélé que près de 4 000 pharmacies étaient équipées de ce logiciel !

Certaines pharmacies auraient trouvé un bon remède à leur problème d’impôts :

faire disparaître de leurs comptes une partie des recettes. Sur le papier la méthode peut paraître simple. Mais dans la réalité des officines, le procédé serait beaucoup plus fin, plus ingénieux. Il est basé sur un logiciel dit permissif qui offre des fonctions peu compatibles avec l’orthodoxie fiscale.

« Dans les officines, il y a tellement de références que la traçabilité comptable des produits est extrêmement difficile à assurer. Pour nous, la fraude concerne surtout la parapharmacie », note un observateur avisé du dossier estimant que la fraude fiscale pourrait atteindre « au bas mot les 400 millions d’euros ».

Des sommes perdues pour les caisses de l’État. Et la fraude atteindrait au moins ce montant si l’on se base sur un redressement sur trois ans. En réalité, les chiffres seraient beaucoup plus importants.

Tout a commencé dans une pharmacie de Remoulins (Gard) en 2008 (1). Les vérificateurs de la CPAM et les gendarmes débarquent dans l’officine. Ils suspectent des fraudes sur des ordonnances falsifiées, le tout pour un montant de 50 000 € environ sur période de deux ans. La perspicacité des enquêteurs permet de mettre la main sur un cahier, sur lequel figure ce qui ressemble à une formule informatique. Les charges déjà existantes conduisent au placement en garde à vue du couple de pharmaciens.

Au passage, les enquêteurs découvriront que le mari exerçait ce métier sans le diplôme. Il lui sera plus tard reproché l’exercice illégal de la profession de pharmacien. Durant les auditions, la femme et son époux « ont fait montre d’une certaine forme d’agace- ment », glisse un proche de l’enquête. Quant au logiciel, ils ont reconnu l’utiliser pour ces vertus “bienfaisantes” pour leur comptabilité occulte, à hauteur « de plus de 8 000 € chaque mois ». Ils auraient aussi dit qu’ils s’étonnaient de se retrouver dans le collimateur des services de l’État. Car pour eux, en substance, tout le monde fraudait de la même façon pour dégager du liquide de la recette, et pas à des doses homéopathiques…

« En moyenne, les évaluations penchent pour 5 000 € environ qui seraient effacés des comptes mensuellement, soit 60 000 € par an », estime un enquêteur. Au terme des auditions, le couple de Remoulins avait finalement été remis en liberté. Ensuite, l’affaire a continué dans le cadre d’une information judiciaire et les deux Gardois ont été déférés devant le juge après une nouvelle garde à vue. A l’issue de leur interrogatoire de première comparution chez le magistrat instructeur, le 23 septembre 2008, la pharmacienne a été mise en examen pour « faux, usage de faux, escroquerie, travail dissimulé par dissimulation d’activité ». Mêmes motifs pour son mari à qui la justice reproche aussi « l’exercice illégal de la profession de pharmacien ».

Depuis les mises en examen de 2008, le juge d’instruction, Lionel Mathieu aurait continué son travail minutieux pour comprendre comment cela fonctionnait chez le fabricant du logiciel.

Au siège de la société, les auditions des informaticiens, par la section de recherches (SR) de Nîmes, auraient confirmé les premières suspicions. Officiellement, le logiciel sert à assurer la gestion des comptes des pharmacies et à rectifier des erreurs de caisse. Mais en arrière-plan, une application activée avec un code informatique permet d’effacer certaines opérations enregistrées. La perquisition aurait permis de retrouver une liste de près 4 000 pharmacies qui ont bénéficié de la formule informatique spéciale. Ce qui laisse penser qu’ils l’ont demandée pour s’en servir.

« Pour nous, en pourcentage la fraude n’est pas très importante au regard du chiffre d’affaires d’une pharmacie. Mais en valeur absolue, c’est chaque mois plusieurs milliers d’euros à multiplier par le nombre de pharmacies concernées sur le territoire national. ». Autant dire énorme. En marge de l’aspect judiciaire et des mises en examen ordonnées, tout le volet fiscal du dossier a été transmis au ministère des Finances, à la DNEF en particulier. Le juge d’instruction nîmois, Lionel Mathieu, pourrait récupérer l’ensemble de cette affaire de gros sous. Pas vraiment des comptes d’apothicaires.

Un code « nettoie » les comptes

Le logiciel incriminé, mis au point en Poitou-Charentes, est proposé à la vente pour ses qualités et ses facilités d’utilisation dans la gestion d’une pharmacie. Mais le système est semble-t-il prisé pour sa souplesse avec la comptabilité. Avant le système à code, mis au jour par l’enquête, des manipulations informatiques étaient réalisées à l’aide de disquettes.

Mais apparemment, ces bidouillages faisaient “bugger” le système et provoquaient trop de problèmes informatiques. Il semble que les effacements comptables avec disquette ont été réalisés jusqu’en 2004. Ensuite, en 2005, une nouvelle version améliorée du logiciel est arrivée sur le marché. Le code informatique permettant de “nettoyer” les comptes était envoyé par courrier après une demande de l’officine. Selon nos informations, l’importance de l’affaire aurait conduit les services fiscaux à la faire remonter à la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) qui supervise les fraudes les plus importantes. La 45e division de la DNEF aurait été chargée de ce dossier d’envergure.

Dernièrement, des vérifications auraient été réalisées dans plusieurs officines ayant recours au logiciel permissif. Les dossiers seraient en cours d’analyse. Sur le terrain pénal, une plainte pour fraude pourrait être déposée prochainement par cette direction dans un tribunal de la région Poitou-Charentes où se situe l’entreprise visée par les vérifications.

En tout cas, si les anomalies étaient confirmées, il s’agirait d’une première en France. Les gendarmes, la justice et les services fiscaux, poursuivent leurs investigations dans l’univers des pharmacies mais il est désormais possible d’imaginer que des secteurs d’activité différents ont eu recours à d’autres logiciels semblables. En ces temps de vache maigre pour les caisses de l’État, les services fiscaux pourraient s’intéresser aussi à d’autres affaires.

Au départ c’est le groupe de lutte contre la fraude (Golfo) piloté  par le vice-procureur de Nîmes, Pascale Palau qui a supervisé les investigations sur l’affaire. Aujourd’hui cette structure  se nomme le Codaf (comité opérationnel de lutte antifraude) qui rassemble enquêteurs et organismes sociaux et permet d’efficaces recoupements.


Textes : Hocine ROUAGDIA

(1) Aujourd’hui la pharmacie n’est plus exploitée par les mêmes personnes.

Publié dans Politique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
T
<br /> Oui on se croirait en France mais rassure-toi, Valérie, ton impatience bien compréhensible, arrive à son terme.<br /> En effet, il n'est pas besoin d'avoir inventé la poudre pour savoir que si nous tous réunis avec nos blogs, nous nous y mettons, aux côtés de tous ceux qui vont prochainement reprendre les luttes,<br /> cela va barder et ce n'est pas le larbin du MEDEF qui va stopper l'insurrection populaire qu'il provoque.<br /> Cela chauffe dans nombre de pays d'Europe. Pendant plus d'un an, l'héroïque peuple grec s'est battu seul et bien maintenant, d'autres peuples d'autres pays, sont entrés ou entrent dans les<br /> luttes.<br /> Le coup de semonce que nous venons tous ensemble de donner récemment n'est pas un coup d'épée dans l'eau.<br /> Fort d'avoir enfin su relever la tête, notre peuple qui ne s'est pas entièrement mobilisé va reprendre de nouveau et à la BASE, le chemin de la lutte des classes.<br /> Nous n'avons d'autre choix que celui de combattre.<br /> RESISTANCE!<br /> <br /> <br />
Répondre
V
<br /> On se croirait en France.<br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> J'ignore combien il y a de pharmacies en France, mais s'il y a déjà 4 000 fraudeurs, à qui fera-t-on croire que les autres, qui sont un des viviers électoraux de Sarkozy, n'avaient pas connaissance<br /> de ces pratiques.<br /> Il ne faut pas tourner autour du pot, appelons un chat, un chat. Récemment, j'ai lu sur internet qu'un patient expliquait comment il s'était fait rouler par son pharmacien qui l'a incité à prendre<br /> les fameux génériques qui coutent soit disant moins cher.<br /> Cet internaute s'est aperçu que si la boite coûtait moins cher, celle-ci contenait 3 fois moins de cachets. Où est le bénéfice pour la sécu?<br /> Trois boîtes à 0,50 centimes, soit 1€50.<br /> Comment un pharmacien peut-il faire preuve d'une aussi évidente mauvaise foi?<br /> Qu'en pense la pharmacienne Roselyne Bachelot, ministre de son état?<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> Faut-il tricher pour gagner de l'argent?<br /> <br /> <br />
Répondre