LA SOUFFRANCE AU TRAVAIL - L'ENTRETIEN D'EVALUATION : COMMENT DEVALUER LES SALARIES POUR MIEUX LES JETER

Publié le par Tourtaux

 

L'entretien d'évaluation : comment dévaluer les salariés pour mieux les jeter

 

 

 

 

 

Une sinistre comédie, largement répandue dans l’entreprise pourrit en toute impunité la vie professionnelle des salariés qui sont contraints d’y participer : l’entretien d’évaluation.

Ce fléau revient une fois l’an s’abattre sur le travailleur.

Il est camouflé derrière un discours ronflant, parfois formalisé par écrit sous la forme d’un code de déontologie ou d’une charte, dont les termes sont souvent générateurs d’inquiétude par l’absurdité du propos, qui énonce une contradiction flagrante, ex : "valoriser l’implication, la performance individuelle tout en assurant la cohésion des équipes et l’équité de traitement", l’emploi d’un langage obscur, ex : " une validation par des avis croisés est nécessaire, ainsi que la confirmation de la cohérence de cette projection avec les responsabilités précédentes", le déni de tout libre arbitre, ex : "capacité à expliquer aux collaborateurs les politiques et les orientations de l’entreprise" etc...

Le pauvre bougre s’inquiète avec raison.

En effet, la victime est contrainte d’affronter seule, sans connaissance préalable des arguments qui vont lui être opposés, dans un bureau, le chef d’orchestre cravaté ou en tailleur qui a préparé son dossier, mène les débats et prononce la sentence sans avoir besoin de délibérer, puisque tout est "plié" d’avance.

L’organisation même de l’entretien met l’évalué à la totale merci de l’évaluateur.

Ce dernier jouit d’un avantage supplémentaire : comme l’immense majorité des salariés, son subordonné exécute la prestation de travail de bonne foi et il est persuadé que son employeur en fait autant. Une proie naïve est une proie facile. (Propos entendus au Conseil de Prud’hommes de Paris : le Conseil demandait à un justiciable ayant été licencié après trois entretiens d’évaluation négatifs effectués par deux responsables différents pourquoi il signait sans contester les compte rendus des dits entretiens. L’intéressé répondit : "Parce que j’avais confiance en mon patron".).

Si le maître d’œuvre est honnête, les choses se passeront bien. Sinon, toutes les dérives peuvent se produire : point culminant d’une démarche de harcèlement, culpabilisation aux fins de justifier une discrimination, pressions pour obtenir toujours plus, montage d’un dossier en vue du licenciement...

Une grande partie des suicides au travail ont fait suite à ce genre d’entretiens.

Pourtant, on observe peu de réactions dans le monde judiciaire. Quelques exigences, comme la consultation du CHSCT (cass...), l’obligation d’établir la réalité des reproches allégués, ou la reconnaissance d’un droit au refus quand l’employeur n’a pas respecté ses propres engagements (cour d’appel, DUMAY/RATP : dans cette affaire, l’intéressé avait formulé un recours envers le N+2, demande restée sans suite. Ce recours étant expressément prévu par le code de déontologie maison des entretiens d’évaluation, le juge avait estimé justifié le refus du travailleur de participer, l’année suivante, à un nouvel entretien).

Mais le principe même n’est jamais remis en cause.

 

Les pitoyables tentatives patronales à vouloir habiller de prétendues bonnes intentions, selon leurs seuls critères, la détestable pratique de l’évaluation au nom de l’intérêt supérieur de l’entreprise sont insuffisantes à masquer une sinistre réalité : la justice d’un pays qualifié de démocratique tolère l’existence de ces moments de totale soumission d’un être humain par un autre, sans application du principe du contradictoire, ni possibilité d’assistance.

 

L’entretien d’évaluation est le pire avatar du lien de

 

subordination. Il parfait le processus de déni de la qualité de

 

citoyen du salarié qui le subit. A ce titre, il doit être combattu par

 

tous moyens par les militants soucieux de faire franchir aux

 

valeurs républicaines la frontière de l’entreprise.

 

 

Reçu de Patrice BARDET

 

du syndicat UGICT-CGT CARSAT

 

Nord-Pas-DE-Calais

Publié dans Lutte des classes

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T
<br /> J'ai toujours pratiqué comme toi camarade Daniel Nicolas et je suis ravi de trouver un autre Ardennais qui a aussi été dans les mêmes dispositions pour résister aux méthodes de destruction de nos<br /> conditions de travail par le patronat.<br /> <br /> <br />
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N
<br /> Les entretiens de progrès je les ai boycotté à France Télécoms après la privatisation socialo communiste<br /> J'avais gardé mon statut de fonctionnaire d'état et refusé de changer (nous ne fumes qu' une petite minorité à refuser les nouvelles classifications) Je disais au responsable "mets ce que tu veux<br /> je n'en ai rien à f..... c'est pas conforme à mon statut"<br /> Comme d'autre part j'étais irréprochable sur le plan du travail et que j'allais souvent faire du soutient sur des pannes compliquées on me foutait la paix.<br /> Eh oui chacun est libre de se soumettre ou non (ceci dit du fait de tout cela je n'ai eu aucun avancement de grade de 1993 0 2008) Je peux néanmoins me regarder dans la glace le matin quand je me<br /> rase<br /> <br /> <br />
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T
<br /> D'accord avec toi Patrice pour l'action collective mais nos blogs doivent continuer à exister pour aider à cette action collective et solidaire.<br /> Danielle Gautier est furibonde, elle m'informe que cela fait une 1/2h qu'elle essaie de me mettre un commentaire qui ne s'enregistre pas.<br /> <br /> <br />
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P
<br /> la seule façon de se sortir de ces dilemmes, de ne pas perdre la raison, est de lutter collectivement, de s'organiser ensemble pour détruire ce capitalisme qui pourrit nos vies<br /> <br /> Le reste est bavardage, reculer pour mieux sauter dans la déprime<br /> <br /> <br />
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T
<br /> C'est le progrès au détriment de l'humain.<br /> La souffrance au travail évoquée sur ce blog aujourd'hui vient encore de se manifester par le suicide d'une postière de 52 ans, à Paris.<br /> Je viens de mettre l'article en ligne.<br /> Très souvent, quand un de ses drames se produit, je reçois un ou plusieurs mails de personnels qui ont besoin de parler de ce qui tue tant de travailleurs.<br /> Récemment, c'était une syndicaliste CGT des télécoms qui, dans un mail, dénonçait et me demandait de continuer mon travail militant d'information.<br /> Parfois, fatigué, j'ai envie de tout lâcher mais par respect pour toutes les victimes du capitalisme et par respect pour tous ceux qui souffrent et qui luttent, je continue mon combat.<br /> D'où l'utilité de nos modestes blogs pour dénoncer ces crimes capitalistes car il faut le dire et le répéter sans cesse : LE CAPITALISME TUE!<br /> <br /> <br />
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