PATXI ZAMORA : SE LIBERER DE L'IDIOTIE* ACTUELLE DE L'ESPAGNE
Patxi Zamora
Se libérer de l’idiotie* actuelle de l’Espagne
*« Idiot », du grec idiôtês, était dans la Grèce classique le citoyen qui se situait volontairement et égoïstement en marge des affaires publiques.
La majorité de la gauche en Pays Basque Sud a opté pour l’indépendance comme statut préalable, nécessaire, à la construction d’une société plus juste et solidaire. Evidemment, elle n’a pas choisi cette option en raison de l’existence d’un rhésus basque différent, pas plus qu’elle ne s’en remet qu’à des critères historicistes. Elle se situe aussi aux antipodes des propositions réactionnaires du carlisme. Elle réclame l’indépendance en s’ajustant à la volonté actuelle de la société que l’on devra consulter afin qu’elle exerce son droit à l’autodétermination. Cette option plurielle et, j’insiste, de gauche (car la droite, locale spécialement –UPN-PNV-, n’a jamais voulu déposer sa confiance en son propre peuple et a toujours préféré soutenir ceux qui l’opprime, pour sauvegarder ses intérêts socio-économiques), cette option de gauche doit être suffisamment intelligente pour amplifier son potentiel déjà énorme jusqu’à ceux qui doutent, craignent ou se méfient du concept d’indépendance. C’est ainsi qu’il est nécessaire de dire clairement qu’il ne s’agit ni d’une option nationaliste, ni sectaire et, paraphrasant le sous-commandant Marcos, qu’elle s’appuie sur une identité collective qui n’est pas un simple legs dont on hérite mais une image qui se construit, que chaque peuple se crée et qui est variable, changeante selon les nécessités historiques. Le plus urgent est d’en finir avec des années d’affrontement armé et de déblayer le chemin vers une nouvelle manière de confronter, démocratiquement, les divers projets politiques.
L’un des arguments pour renforcer l’option indépendantiste est la situation dans laquelle se trouve l’Etat espagnol, plongé depuis des siècles dans l’idiotie, accentuée ces derniers temps. « Idiot », du grec idiôtês, était dans la Grèce classique le citoyen qui se situait volontairement et égoïstement en marge des affaires publiques. Euskal Herria ne s’est pas débarrassée de cette pandémie, mais il est évident que le mouvement populaire et la résistance contre la répression ont créé un bouillon de culture qui, d’entrée, a politisé et impliqué de façon plus importante la société. Mais, dans l’Etat espagnol, la majorité de la société se situe en dehors du jeu participatif et avale sans dire mot le message nationaliste espagnol du pouvoir établi.
Cette situation n’est pas improvisée. Elle est le résultat d’un processus de répression sauvage et d’une manipulation historique et politique sans pareil qui reflète, dans les exemples suivants, sans connexion apparente, le présent et, si les choses ne changent pas, l’avenir de cet Etat espagnol : les 40 ans de dictature franquiste ont débuté en fusillant et en interdisant les enseignants ; plus de 200 sur un total d’environ 500 professeurs titulaires d’une chaire étant contraints à l’exil, laissant le système vidé de sa substance. Le régime franquiste fut accepté par l’ONU (en échange de l’acceptation de la Mongolie du côté soviétique) en 1955, après l’installation de bases militaires des Etats-Unis sur le sol «national», illustrant le choix du franquisme en matière de politique internationale. Le généralissime (grade militaire le plus élevé, porté seulement par trois espagnols dans l’histoire : Godoy, Espartero et Franco) avait la bénédiction de l’église catholique et a pratiqué un génocide contre des dizaines de milliers de personnes « par la grâce de Dieu ». Les tortionnaires des années 1970 sont passés à la démocratie espagnole comme si tout cela n’avait pas existé, sans aucune sorte d’admonestation sociale.
De ce legs vicié nous avons hérité des négationnistes (UPN, PP et les porte-paroles de l’Eglise catholique, c’est-à-dire un secteur notable de la société) qui continuent à qualifier, positivement, le putsch fasciste d’acte contre-révolutionnaire et, exemple de l’ambiance qui existe encore dans l’Etat espagnol, 36 ans après la mort du dictateur Franco, aucun des 82 magistrats du Tribunal Suprême espagnol n’a participé à la présentation du livre rendant hommage à celui qui fut président de ce tribunal durant les trois années de cette guerre, Mariano Gomez, mort en exil, sans ressources ni reconnaissance, victime de cette Espagne dont la gauche basque veut se libérer. Elle veut aussi se libérer de cette gauche espagnole qui a renoncé au marxisme pour privatiser les biens publics, réduire les impôts des plus puissants, signer un Concordat humiliant avec l’Eglise catholique, s’impliquer dans le terrorisme d’Etat, soutenir la torture, impulser la Loi des Partis et, même, participer à la promotion de la télé-poubelle aggravant l’idiotisme existant.
L’énorme déficience politique du nationalisme espagnol, des négationnistes du PP et de la gauche truquée du PSOE a provoqué dans l’Etat espagnol un taux de chômage et de travail temporaire double de celui de l’Union Européenne. Il est celui qui possède le plus de billets de 500 euros (argent sale) et celui qui paie le mieux les hauts dirigeants, alors que le salaire moyen des citoyens espagnols correspond à la moitié de celui des Hollandais ou des Allemands. A cause des défenseurs de la réforme du franquisme, le vieil empire espagnol est devenu le pays qui a le plus grand nombre d’inégalités du continent. Les défenseurs de la transition, définie par le grand écrivain Bergamin dans la phrase « mort au chien (Franco), le chien est mort mais pas la rage », ont été experts, par action ou omission, en manipulation médiatique afin d’aggraver l’infirmité politique de leurs citoyens, détournant des faits importants à l’aide de sujets insignifiants, renforçant la médiocrité et créant des problèmes avec leurs solutions afin que nous acceptions sans rechigner «des maux nécessaires» (par exemple, le crise économique et l’acceptation de la perte de droits sociaux comme inévitable et la vente en promotion de la propriété publique, aussi bien les aéroports d’AENA que les caisses d’épargne).
Indépendance. Pour éviter ceux qui disent, comme en troisième page d’ABC, que « l’unité de l’Espagne n’est pas seulement un bien politique mais aussi un bien moral car le principal problème de l’Espagne est l’édification de son être en tant que nation… » Et aussi pour échapper à l’atrophie politique d’un Etat monopolisé par les faits et gestes de la duchesse d’Albe ou de la famille royale. Indépendance pour ne pas ensevelir la mémoire dans les sédiments de l’oubli et récupérer l’utopie d’une société plus démocratique car participative, avec des mouvements et des initiatives sociales donnant leur force et un contenu politique à la nouvelle république basque. Gara – 21/03/2011 - traduit par Ursoa Parot
*« Idiot », du grec idiôtês, était dans la Grèce classique le citoyen qui se situait volontairement et égoïstement en marge des affaires publiques
Source : XARLO