SAINT-ETIENNE :JOSEPH SANGUEDOLCE, GRANDE FIGURE DU MOUVEMENT OUVRIER, ANCIEN MAIRE COMMUNISTE, RESISTANT, OUVRIER MINEUR, RESPONSABLE DE LA CGT, EST DECEDE

Publié le par Tourtaux

 
                SAINT-ETIENNE. DECES DE JOSEPH SANGUEDOLCE
                                 MINEUR, RESISTANT ET EX-MAIRE

Vidéo interview de Joseph Sangueldoce avec ce lien 

http://www.ina.fr/economie-et-societe/vie-sociale/video/LXC00012722/portrait-de-joseph-sanguedolce-maire-de-saint-etienne.fr.html

L'ancien maire communiste de Saint-Etienne, Joseph Sanguedolce, résistant, mineur, devenu responsable de la CGT puis maire de la ville de 1977 à 1983, est décédé dans la nuit de samedi à dimanche, à l'âge de 91 ans, a-t-on appris auprès du Parti communiste français.

Issu d'une famille italienne, mineur près de Saint-Etienne, résistant déporté à Dachau en 1943, Joseph Sanguedolce est devenu responsable départemental de la CGT avant de faire basculer Saint-Etienne à gauche, en 1977, faisant de cette ville minière la plus importante détenue par le Parti communiste français (PCF). Dans un communiqué, la députée communiste, Marie Georges Buffet, a tenu à "rendre hommage à l'homme fidèle à ses convictions et à son parti - le PCF - dont il était encore un animateur de l'amicale des Vétérans."

 

Entretien avec Mr Jospeh Sanguedolce

Ancien résistant et déporté.

Réalisé le 7 Septembre 2007 à Saint-Etienne.

 

 

Pouvez-vous nous dire quelle était votre situation lors de l’entrée en guerre de votre pays ?

 

A l’époque je travaillais au chemin de fer de la mine de Roche-La-Molière. J’avais 20 ans et je me passionnais pour le sport. J’avais d’ailleurs un très bon niveau de coureur cycliste.

 

Quel était votre sentiment lors de cette même entrée en guerre ?

 

En fait, tout le monde s’y attendait plus ou moins. Après les accords de Munich de 1938 laissant la voie libre au nazisme et au fascisme, il n’était guère surprenant de voir la France entrer à son tour dans cette « drôle de guerre » lorsque Hitler attaqua la Pologne.

 

Quelle image aviez vous alors de l’armée française ?

 

Etant adhérent au PC, je ne m’intéressais alors à la politique que de loin. Quand j’ai été mobilisé, je n’étais rien d’autre qu’un simple soldat qui devait faire ses preuves.

 

Et l’image de l’armée allemande ?

 

Ah là, c’est différent ! Elle avait un sacré aura. Tout le monde avait peur de cette armée qui en à peine une semaine conquérait pays après pays. On la voyait comme invincible, et finalement très inquiétante.

 

Après avoir été mobilisé au cinquième génie du chemin de fer de Versailles et fait prisonnier avec tout le régiment à Etampes, puis arrêté et transféré au Stalag VII A, prêt de Munich, vous êtes alors envoyé travailler pour des cultivateurs allemands. Lors de votre travail dans cette ferme, vous est-il arrivé de sympathiser avec « l’ennemi » ?

 

Vous savez, ces cultivateurs – ceux où j’ai « atterri »- n’avaient pas le même comportement. Ils ne comprenaient pas cette guerre non plus. Je me rappelle encore du paysan pour lequel je travaillais, il était d’une extrême gentillesse. Quand des factions Hitlériennes passaient avec le bras tendu, c’est tout juste s’il levait une main molle. D’ailleurs, je ne peux pas dire que je travaillais vraiment, en réalité, nous n’en faisions pas lourd dans ses champs, et il le savait, il « laissait couler »… Par contre, ce qui m’a vraiment attristé, c’est lorsque ses fils passaient le voir – des nazis finis eux – aussitôt, il tendait le bras comme jamais. Vous vous rendez compte, cet homme craignait ses propres enfants. Il devenait hélas un autre homme… l’influence des siens était vraiment négative… D’autre part, certains de ces cultivateurs étaient de véritables négriers, celui-ci était une exception en fait.

 

C’est un peu l’histoire des français et de Pétain…

 

Oui, à peu près. En fait, pour beaucoup, au moment de l’occupation en France, Pétain était considéré comme le « moindre mal ».

 

 

 

 

Comment êtes-vous entré dans la résistance ?

 

En ce qui me concerne, j’ai bénéficié des accords Scapini qui prévoyaient la libération des soutiens de famille de plus de cinq enfants. De retour en France, j’ai repris mon travail à la mine et mes activités sportives jusqu’au jour où un dirigeant communiste lyonnais est venu me voir pour faire connaissance et pour m’indiquer que les syndicats et tous les partis étaient dissous, les grèves interdites et les informations censurées. Et que les militants et patriotes étaient arrêtés. Il me demandait de prendre la responsabilité de la résistance dans la Loire. Il m’a donc communiqué des noms et des adresses d’opposants à l’occupation et Pétain.

 

Quelles actions avez vous entrepris ?

 

Le but de toute action de résistance était non seulement de faire ouvrir les yeux sur le régime fasciste de Vichy, mais surtout de venir en aide à une population qui avait baissé les bras, volontairement ou non. Vous savez, à cette époque-là, les gens avaient faim, il n’y avait plus tickets pour la nourriture, les salaires étaient désespérément bloqués…

La priorité était donc d’abord celle-là. Je me souviens de cette halte du travail qu’on avait déclenché à la mine de Roche-la-Molière. Je dis halte car on ne pouvait pas faire grève. Enfin disons que si nous faisions grève, on risquait rien de moins que d’être arrêté. Donc, ce jour-là, à midi pile, tout le monde arrête le travail et après des palabres avec le PDG de la mine, on obtient une augmentation des salaires ainsi que la libration des mineurs du puits Sagnat de Roche-La-Molière qui avaient été emprisonné quelques semaines auparavant pour avoir organisé une grève. Il y avait aussi ce train, gare de Châteaucreux, que l’on avait empêché de partir pendant quelques heures. Les gens – et les femmes surtout, qui ne voulaient pas perdre un mari, LE soutien financier – manifestèrent et permirent à quelques dizaines d’engagés forcés au STO de s’enfuir du train.

 

C’est peu après que vous fûtes arrêtés…

 

Oui, en pleine rue, pris en train de faire circuler des documents clandestins. S’en suit les prisons de Saint-Etienne, Lyon et la centrale d’Eysses, dans le Lot et Garonne. Et là, après… l’enfer. On nous conduit à Dachau. Je ne connaissais pas Dachau donc je suis parti sans trop d’appréhensions. Enfin, dès le voyage en train je me suis vite rendu compte que plus rien ne serait pareil. Nous étions cent dans le wagon, serrés comme des sardines, plus le moindre centimètre pour bouger, sans eau, sans nourriture pendant trois jours et trois nuits. Parfois, lorsque le train s’arrêtait en gare, la population nous faisait passer une bouteille d’eau. Et alors que dans d’autres wagons, ils se ruaient, se bousculaient et dilapidaient en trente secondes la seule bouteille qu’ils avaient, nous, dans notre wagon, avions mis en place quelques règles. A savoir que chacun d’entre nous devait s’humecter les lèvres et non boire. On avait aussi établi une rotation pour que chacun puisse s’asseoir et profiter un peu du faible air qui passait à travers les « fenêtres ». Ce qui fait que lorsque nous sommes arrivés au camp Dachau, pas un d’entre nous était mort, ce qui, hélas, n’était pas le cas pour tous les wagons…

 

 

Quelles images vous reviennent à l’esprit quand vous pensez à Dachau ?

 

La première qui me vient, c’est à la descente du train, lorsque je vois cet écriteau « Dachau » et que naïvement je me dis «  c’est chouette, c’est comme le Stalag » car, au Stalag, même si on était prisonnier, on était pas maltraité – voire pas trop mal nourris- simplement du fait qu’on devait faire du travail pour remplacer les travailleurs allemands mobilisés. C’est pour ça que j’ai bêtement sorti cette phrase. Mais un autre prisonnier m’a entendu. Il m’a dit «mon pauvre gars… tu vois, là, c’est Dachau… regarde ces cheminées, ces fumées…c’est un camp de concentration pour exterminer les opposants au nazisme… tu rentres par le portail mais tu en ressors par-là » me dit-il en me remontrant les cheminées.

Et puis il y a cette fois où en attendant d’être transféré dans un commando de travail, l’organisation de la résistance du camp me fait passer par l’intermédiaire du bloc 17 un sac de pommes de terres cuites à distribuer clandestinement aux plus affaiblis. Sauf qu’au moment de la distribution le chef du bloc 19 rassemble tous les prisonniers de ce même bloc, fou de rage de voir des prisonniers avec des patates. Il nous fait tous sortir et nous tabasse jusqu’à ce que l’un de nous parle. Comme il tapait à coups de pieds et de matraques sur n’importe qui, je me suis naturellement dénoncé, et je reçois alors ma « ration » de coups de pied et de matraques à mon tour. J’en serai certainement mort si le chef du bloc 17 n’était pas intervenu. Je me souviens d’une immense engueulade entre les deux chefs et finalement le tortionnaire part, me laissant sur le sol complètement roué de coups.

 

Vous n’avez jamais pensé à vous évader ?

 

Bien sûr que si. On avait même prévu un plan d’évasion. Qui a capoté parce qu’entre temps le commandant du convoi SS nous avait indiqué que si ne serait-ce que l’un d’entre nous avait des velléités d’évasion, alors les autres en pâtiraient… un évadé égalerait dix morts, dix évadés cent, et cent tout le convoi. Du coup, après concertation avec les quelques-uns qui voulaient s’évader, nous décidâmes de ne rien faire. Avec le recul, quand on se dit que 80% des détenus dans les camps furent tués, on se demande s’il n’avait pas mieux fallu tenter le coup quand même…

 

Comment vous en êtes vous sorti finalement ?

 

L’organisation de la résistance clandestine m’a rapidement fait comprendre qu’il serait plus facile de s’évader en étant dans un commando. Ce que j’ai fait. J’ai menti en disant que j’étais ingénieur. Mais ils ont rapidement compris que ce n’était pas le cas. J’ai donc été dans le camp de concentration d’Allach jusqu’à la Libération.

 

Selon vous quel est le moteur des guerres ?

 

Karl Marx a dit un jour ce mot juste… « la guerre n’est que le prolongement des politiques impérialistes »

 

Que retiendrez-vous de cette guerre ?

 

Outre le fait que j’y ai malheureusement perdu mon frère, ce qui m’a fait le plus mal c’est de me dire que je vivais dans une société où l’on n’avait plus le droit de s’exprimer, où les inégalités, les injustices étaient vraiment trop affreuses et tellement nombreuses.

 

Un monde sans guerre, est-ce possible ?

 

Il y a toujours des dangers de guerre mais ce que j’espère c’est qu’un jour le bon sens politique social et démocratique finisse par l’emportant en réglant par la négociation entre états les différents problèmes qui peuvent surgir. D’où l’utilité de s’unir pour la paix dans le monde.

Par valenton rouge  

http://camarade.over-blog.org/

Publié dans Lutte des classes

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