SORAYA HELOU : VERS L'ASSASSINAT DU LIBAN ?

Publié le par Tourtaux

       
Par Soraya Hélou

 

Comme si les aveux de Naïm Abbas sur la volonté des commanditaires des attentats suicide de susciter le maximum de victimes et d'élargir le champ des attaques à toutes les régions et les communautés, l'attentat de samedi soir contre un barrage de l'armée à Hermel est venu confirmer le fait que la menace takfiriste touche tout le Liban. Malgré cela, certaines parties locales continuent à ne pas vouloir admettre la réalité de cette menace, se croient à l'abri et affirment que la multiplication de ces attaques est due à la participation du Hezbollah aux combats en Syrie. Si c'était le cas, pourquoi depuis presque deux ans, les terroristes ciblent régulièrement l'armée libanaise, d'abord au Liban Nord, au Akkar et à tripoli, puis à Saïda, sans oublier Ersal et le Hermel ? D'ailleurs, dans chaque attaque contre l'armée, des soldats et des officiers de toutes les confessions et régions libanaises sont en train de tomber, montrant bien que la cible des terroristes, c'est le tissu social libanais et l'Etat dans ses institutions et en particulier l'armée qui est la garante de la souveraineté. Il est clair que les groupes takfiristes ont choisi d'établir un califat au Liban, après avoir été combattus en Irak, en Egypte, au Yémen et en Syrie. Le Liban avec ses divisions internes qui fragilisent ses institutions étatiques a été ainsi considéré comme le lieu idéal pour tenter de réaliser le vieux rêve des takfiristes, celui de créer un émirat, qui pourrait ensuite s'étendre à l'ensemble de la région. Avec le chaos qui règne actuellement dans la région, à la faveur de ce qu'on appelé le printemps arabe, ces groupes sont en train de se développer et de s'implanter un peu partout. Mais ils ont besoin d'un lieu privilégié, symbolique, pour asseoir leur pouvoir et attirer ainsi les illuminés du monde entier. Ils croyaient que ce foyer idéal était l'Irak, mais la récente offensive du gouvernement de Nouri al Maliki contre les centres d'Al Qaëda dans la province d'Al Anbar a détruit ce rêve ; Le Yémen qui a longtemps servi d'abri pour les takfiristes est aussi devenu une terre peu accueillante, surtout avec les négociations en cours entre les protagonistes et la possibilité d'aboutir à des solutions. Même chose en Egypte avec le pouvoir annoncé du général Sissi. Il restait la Syrie, qui attirait les takfiristes du monde entier.

Mais en dépit de l'afflux de combattants venus du monde entier et en particulier des pays d'Europe et du Monde arabo-musulman, les groupes peinent à se doter d'un foyer réel. Pire encore, ils se livrent désormais entre eux à une lutte sans merci. En trois ans de guerre contre le régime, ils n'ont réussi à imposer leur pouvoir que dans la province de Rakka, où ils sont d'ailleurs confrontés à des luttes intestines, sans parler du rejet de la population initiale. Ils sont aussi soumis, comme partout le long des frontières nord de la Syrie à un changement dans l'attitude de la Turquie qui ne peut plus se permettre de leur faciliter la circulation des armes et des combattants et à la fermeture totale des voies de passage avec l'Irak. C'est pourquoi, il ne leur reste plus que le Liban, dont les frontières sont accessibles et truffées de voies de passage clandestines. De plus, le climat favorable à leurs thèses, sous le prétexte de défendre ceux qui luttent contre le régime syrien, véhiculé dans certaines régions du pays, dans les mosquées et par certaines parties politiques, a crée un environnement favorable qui leur permet d'agir, de comploter et de se déplacer avec une relative sécurité. La sonnette d'alarme avait d'ailleurs été tirée depuis longtemps, mais la plupart des responsables et des parties politiques n'avaient pas voulu prendre au sérieux cette menace. Aujourd'hui, c'est l'armée qui paie le prix de ce laxisme et de cette insouciance. Chaque martyr de l'armée est en train de mourir pour tout le Liban et à travers lui, c'est tout le pays qu'on cherche à assassiner. Ce qu'il faudrait, c'est que ceux qui ont longtemps favorisé l'expansion et l'implantation des cellules takfiristes pour des raisons politiques mesquines prennent enfin conscience de la grave faute commise et cherchent à la réparer. Comment ? En déclarant la guerre aux takfiristes, sans plus tenir compte de considérations politiques, confessionnelles ou régionales. Il en va de l'avenir du Liban. Dans ce contexte, le nouveau gouvernement et notamment le fait que les ministères sécuritaires soient entre les mains de grandes figures du 14 Mars pourraient être une chance pour le pays tout entier de mener une lutte efficace et généralisée contre ces cellules de moins en moins dormantes et de plus en plus meurtrières. Cette fois, la balle est donc réellement dans le camp des nouveaux ministres, la tâche est énorme mais la survie du Liban et des Libanais le valent bien. 

Source : Al-Ahednews

 

25-02-2014 | 15:24 

 

http://french.alahednews.com.lb/essaydetails.php?eid=11626&cid=324#.UwzZVoV8qF8

Publié dans LIBAN

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