UNE COALITION POUR ACHEVER LA DESTRUCTION DE L'IRAK ET DE LA SYRIE ?

Publié le par Tourtaux

Une coalition pour achever la destruction de l’Irak et de la Syrie ?

 

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Il faut appeler une guerre d’agression par son nom. La coalition dite internationale contre le terrorisme, conduite par les États-Unis et de fait composée de quelques pays occidentaux et de leurs supplétifs du Golfe – des pays qui n’avaient pas lésiné sur les moyens pour favoriser l’émergence de ce phénomène –, est mort-née. 

 

La première raison de cet échec annoncé est l’exclusion de cette coalition des principaux acteurs qui combattent effectivement la nébuleuse terroriste (dont l’auto-proclamé État Islamique) non seulement dans cette région mais aussi à l’échelle planétaire. À savoir la Syrie, l’Iran, la Russie et la Chine. L’Algérie, qui se trouve confrontée sur ses frontières est et sud à des menaces terroristes nées des interventions de certains membres de cette coalition, n’en fait pas non plus partie bien qu’elle se trouve au premier front contre le terrorisme. Ces pays n’ont pas attendu l’annonce tardive de la coalition pour agir. En Irak, c’est le soutien apporté d’une part par l’Iran, d’autre part par les combattants kurdes du PKK alliés de Damas, qui avait empêché la chute du Kurdistan irakien et de Bagdad, la capitale irakienne.

 

La deuxième raison est justement la présence dans cette coalition d’États qui ont soutenu, et continuent à soutenir, la déstabilisation de la Syrie, en cherchant un changement brutal de régime. Leur stratégie a finalement profité à cette nébuleuse terroriste. Elle a attiré vers la Syrie et l’Irak des milliers de pseudo djihadistes venus des quatre coins de la planète, alléchés par le chaos provoqué par ceux-là même qui annoncent vouloir y mettre un terme.

 

La troisième raison est la myopie politique dont continuent de faire preuve les États-Unis, la France, la Turquie et les monarchies du Golfe. En même temps qu’ils claironnent vouloir combattre Da’ech, ils annoncent qu’ils continueront à soutenir, à entraîner, à financer une opposition syrienne « modérée » qui aura pour vocation de combattre à la fois le régime syrien et Da’ech ! Cette « opposition modérée », dit Obama sans rire, sera formée en Arabie Saoudite, le pays qui a déjà eu l’« honneur » de former un certain Oussama Ben Laden et d’où sont originaires de nombreux dirigeants de Da’ech, d’Al-Nosra, ou du mystérieux groupe Khorassan ! Manifestement, les enseignements du fiasco afghan n’ont pas encore été digérés par les Clausewitz américains et consorts.

 

La quatrième raison réside dans le fait que les planificateurs de cette coalition n’y croient pas vraiment. Obama l’a annoncé lui-même : pas de troupes au sol, il n’y aura que des frappes aériennes. Et, cerise sur le gâteau : il faudra des années pour venir à bout de Da’ech et ses autres… Cela nous rappelle la stratégie qui a été mise en œuvre en Afghanistan, au Yémen, en Somalie et en Libye et qui a montré ses limites. Les avions bombardiers, les drones télécommandés n’ont pas réussi à changer la donne.

En effet, le régime croupion afghan, qui ne tient que grâce à la présence militaire de l’Otan, ne resterait pas un jour sans les forces américaines et alliées. Les taliban sont aux portes de Kaboul. Au Yémen, les drones tueurs n’ont pas réussi à empêcher la chute de Sana, tombée entre les mains des houthistes, alliés de l’Iran, ni l’avancée d’Al-Qaïda. En Libye, l’intervention aérienne de l’Otan a certes contribué au renversement du régime de Kadhafi, mais elle n’a rien réglé, à part la transformation de ce malheureux pays en boulevard pour tous les mouvements terroristes et mafieux. C’est le cas également de la Somalie, livrée à un chaos qui déstabilise toute la région…

 

La cinquième raison tient dans les hésitations de la Turquie, dirigée par l’islamiste Erdogan, à s’engager dans la coalition. Non seulement elle vient de conclure un deal secret avec Da’ech, mais elle semble craindre beaucoup plus le renforcement inattendu du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, dont les combattants aguerris sont descendus de leurs montagnes pour croiser le fer avec Da’ech. Les hésitations de la Turquie à s’engager sincèrement dans la coalition contre Da’ech, qui a séquestré quarante-cinq diplomates turcs à Mossoul (nord de l’Irak) libérés après un deal secret avec les terroristes, ont révolté les Kurdes de Turquie, qui se sentent trahis. D’autant que ce deal est intervenu au moment même où les hordes da’echistes, alliées objectives d’Erdogan, attaquaient une soixantaine de villages syriens kurdes, provoquant un exode massif vers le Kurdistan turc.

Peu avant le déclenchement des bombardements aériens américains – avec, ultime humiliation pour le peuple irakien et syrien, la participation d’avions saoudiens, émiratis, jordaniens et koweïtiens –, Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, a mis en garde Washington contre une telle initiative unilatérale. « Les Américains annoncent actuellement qu’ils vont bombarder les terroristes sur les terres syriennes sans avoir besoin de l’approbation des autorités syriennes… Nous leur avons dit que ce sera une violation flagrante de la loi internationale. »
Le président iranien a réitéré la même mise en garde, tout comme son homologue chinois et le secrétaire général du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, premier allié de la Syrie.
Paradoxalement, la Syrie n’a pas exprimé la même inquiétude que ses alliés, indiquant qu’elle soutiendrait toute lutte contre le terrorisme, mais que cette lutte ne se limitait pas à l’option militaire.

Les Américains, qui ont déclaré avoir informé Damas de ces raids aériens sans en avoir « demandé l’autorisation » reconnaissent de factola légitimité du gouvernement syrien, qu’ils n’ont cessé de contester depuis plus de trois ans. Ce n’est pas encore le cas de la France qui continue, dans un aveuglement sans limite, à considérer l’inconsistante opposition extérieure syrienne comme « la seule représentante légitime du peuple syrien » ! Après s’être interdit de participer au bombardement des positions de Da’ech en Syrie, elle est sur le point d’entrer dans la mêlée. Sans aucune vision politique.

Pour l’instant, le président syrien Bachar al-Assad crie moins fort que ses alliés traditionnels. Il laisse les Américains et leurs supplétifs faire le « sale boulot » à sa place sans les soutenir explicitement. Il parie sans doute sur un probable retournement de situation dans laquelle son régime redeviendra l’incontournable interlocuteur. On n’en est pas encore là.

Pendant ce temps, la guerre contre Da’ech risque de tourner à une guerre de destruction totale de la Syrie et de l’Irak. En bombardant plusieurs raffineries et puits de pétrole dans les zones occupées par cette organisation, les Américains sont tentés, comme c’est leur habitude, par la politique de la terre brûlée. Vont-ils demain, sous prétexte que l’organisation terroriste occupe et exploite quelques importants barrages des deux côtés de l’Euphrate, procéder à leur destruction ? C’est à craindre.

Dominique de Villepin, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac, qui est entré dans l’histoire grâce à son discours anti-guerre devant le Conseil de sécurité de l’Onu en 2003, revient à la charge pour dénoncer cette coalition foireuse : « Il serait temps que les pays occidentaux tirent les leçons de l’Afghanistan. Il y avait en 2001 un foyer central de terrorisme. Aujourd’hui, il y en a une quinzaine […]. Àchaque fois qu’on fait une guerre, on doit en faire une autre pour réparer notre incompétence à répondre à la menace terroriste », a-t-il encore déploré dans un entretien à RTL.

Pour lutter contre le terrorisme, conclut-il, « la première chose à faire est de toujours respecter le droit international. Deuxièmement, cette région, il ne convient pas de la précipiter dans une nouvelle guerre mais de lui faire prendre ses responsabilités. » Comment ? En associant toutes les parties à cette tâche herculéenne et, en premier lieu, réhabiliter l’État syrien pour l’engager dans la négociation d’un vrai contrat social, seul capable de tenir tête à ce monstre. On n’en est pas encore là. Hélas !

2/10/14

Publié dans USA

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