VENEZUELA : CE QUE LAISSE L'EAU LORSQU'ELLE SE RETIRE

Publié le par Tourtaux

Ce que laisse l’eau lorsqu’elle se retire

SONY DSCLes deux hectares de terre brûlée se trouvent au sommet de la colline.  Des petits foyers de fumée grise y persistent encore, des restes de ce qui brûlait à l’aube, à six heures du matin, lorsque la chaleur permet de se mouvoir plus légèrement. Ensuite, le soleil tape, crevasse, désespère. Avec ce feu on a soigné la terre, on l’a rendue plus sèche, plus dure, plus semblable à la couleur des vautours, préparée pour les semailles, pour l’époque des pluies.

A cet endroit, chaque trace a été laissée par un groupe de quatre hommes. Chaque bananier qui poussera aura été planté de leurs mains qui ressemblent à cette même terre qu’ils travaillent à la machette, à la binette et qui les forge eux-mêmes également à chaque coup.

Autour de ces hectares, tout est vert. La forêt se perd, en hauteur et dans le lointain ; sous les cimes, tel de l’or vert, se trouve le cacao. Sur la colline voisine on voit une parcelle de terre identique à celle-ci. D’autres paysans s’y trouvent, eux aussi ils voient naître le jour dans la nuit, ils chargent les plants de bananier, de maïs, de piment remontant depuis le fleuve et ils les gardent dans le même refuge, sous un plastique noir que supportent six piquets de bois.

Lorsque les quatre hommes reviennent à leur communauté à une heure, ils le font par un chemin étroit, sur des pierres qui sont des obstacles, des marches, encore des coups.

 

Journée de travail des communard(e)s sur le brûlis

Journée de travail des communard(e)s sur le brûlis

 

Sur leur passage, par terre, ils voient des coquilles de cacao ouvertes en leur milieu – il y en a des jaunes, orange, vertes, rouge foncé, violette. Tous les quatre ils avancent dans l’ombre traversée par la lumière, sur les feuilles sèches tombées des cacaotiers et des arbres plus hauts qui les protègent- d’où pendent des racines, des orchidées et des nids.

En arrivant, ils traversent la rue principale, saluent les habitants qui, à cette heure-là, se trouvent chez eux- certains se penchent à la fenêtre- ils marchent entourés d’enfants jusqu’à arriver au fourneau où se tient le déjeuner qu’on leur a préparé. Alors, ils s’assoient sur des chaises, des grosses pierres, par terre et mangent le pot-au-feu commun. Des chiens, des chiots courent autour d’eux, des poules cherchent les restes et tout près, le fleuve,  ce fleuve qu’on ne voit pas d’en haut.

 

La base productive


Ces quatre hommes, qui chaque jour montent jusqu’au sommet brûlé, font partie du conseil communal Los Marines. Tout comme ces terres qu’ils travaillent. L’assemblée a approuvé le financement pour y commencer la production.

 

Les communards Augusto Espinoza et Eibis Brito

Les communards Augusto Espinoza et Eibis Brito

 

Avec cet argent, ils ont acheté des semis, des outils et ils en ont destiné une partie pour une prime hebdomadaire-un peu moins qu’un salaire. L’accord collectif est le suivant : quand la récolte et la vente se termineront, ils commenceront à rembourser le prêt au conseil communal, et avec l’excédent ils se paieront pour vivre-tout en vivant- en même temps que 3% seront destinés à l’organisation communautaire.

Comme ces deux hectares, il en existe 98 de plus sur la Commune agricole Cajigal, située dans l’état de Sucre, de la municipalité qui lui donne son nom : Cajigal, paroisse Yaguaraparo. Sa surface est de 20 000 hectares, dont la moitié est impropre à la culture, 2300 ha de cacao, 3000 autres attendent d’être mis en production. Sur les hectares restants, on cultive d’autres produits : fruits, et toute sorte de légumes ; les habitants y ont leur logis.

L’agriculture communautaire est l’un des principaux axes économiques encouragés par la Commune. Dans une zone agraire- abandonnée par l’état durant des décennies, marquées par des migrations massives vers les villes et de faible productivité- et dans le contexte d’une guerre économique qui s’est accrue depuis plus d’un an, commencer à faire produire ces terres est une stratégie.

 

Production de Cacao dans la Commune agricole Cajigal.

Production de Cacao dans la Commune agricole Cajigal.

 

Rien de tout cela n’est nouveau pour les « communards » et les « communardes » : le premier conseil communal de la zone –La Horqueta de Mata de Chivo- a commencé à s’organiser en ce sens, et c’est dans cette direction qu’ils continuent de regarder, vers les 150 nouveaux hectares qu’ils projettent de mettre en production collectivement et dont le financement a été approuvé en partie par l’Etat. A présent, il n’y a plus un conseil communal mais 16, organisés sur la Commune fondée par un après-midi d’août 2013.

Augusto Espinoza, l’un des principaux  membres référents de la Horqueta, connaît cette réalité depuis ses débuts. Avec les autres « communards » il en est arrivé à cette certitude : « il ne peut y avoir de Commune qui ne soit pas productive. Nous travaillons pour qu’il y ait un équilibre entre les 16 conseils communaux, et qu’ils produisent tous ».

Dans son conseil communal, ils sont parvenus à mettre sur pied 5 hangars d’élevage de poulets où travaillent 29 personnes – pour un total de 18 000 unités tous les deux mois – et une fabrique de parpaings d’une capacité de production de 2500 parpaings par jour, où sont employés 20 « communards »  et « communardes » en deux équipes. Ils savent que de cette façon ils créent des emplois, des revenus pour l’organisation communale, un nouveau système économique qui cherche à être productif et un peu plus que cela : socialiste.

***


Cacao séchant au soleil, commune agricole de Cacigal

Cacao séchant au soleil, commune agricole de Cacigal

 

Dans les rues, face aux portes, se trouve étalé dans des rectangles le cacao qui sèche au soleil – ceux-ci peuvent mesurer 8 mètres de long ou davantage, et approximativement un mètre et demi de large, pas plus ; ils doivent laisser l’espace nécessaire à la circulation des véhicules. L’air se caractérise par une odeur aigre, presque sucrée, pénétrante. C’est la période des quatre jours qui suivent la sélection des grains, la mise en sachet pour que commence le processus de fermentation. Une semaine au total. Jours durant lesquels les enfants ne vont pas à l’école, pour rester travailler aux côtés de leurs parents.
Dans le village, les maisons sont basses, avec des grilles ; elles sont colorées, très colorées. Des vertes, rose, violette, pourpre, bleu clair et jaunes ; les journées commencent tôt tout comme dans la zone haute. A sept heures c’est comme s’il était dix heures ; dix heures, c’est trop.

En parcourant le territoire communal, rien ne semble indiquer la présence de la Commune, ni les groupes d’hommes et de femmes qui construisent leur maison, ni les files de maisons déjà construites, ni l’institutrice qui va à l’école avec ses enfants, ni les personnes qui préparent les fondations de la nouvelle zone récréative et d’éducation. Pas plus que la pépinière qui se trouve au bord de la route, ou le camion qui vend du poisson sur la place centrale. Cependant, tout l’est. Une excessive évidence qui la rend invisible, la Commune, c’est la vie quotidienne.

 

Travailleuses de l'Entreprise de Propriété Sociale Directe Communale – Unité d'Approvisionnement.

Travailleuses de l’Entreprise de Propriété Sociale Directe Communale – Unité d’Approvisionnement.

 

L’un des rares espaces communaux qui se trouve signalé par un panneau est l’entreprise de Propriété Sociale Directe Commune Unité d’Approvisionnement La Horqueta Produciva, – «  directe car c’est la population qui l’organise directement », explique Elinor, membre de l’entreprise-, située au centre de Cajigal. Ses portes – qui présentent de chaque côté une peinture murale de Simon Bolivar, libérateur, à cheval et portant son épée – ouvrent à 8 heures du matin. Sur les étagères se trouve ce qui manque souvent ailleurs : de l’huile de tournesol et d’olive de l’entreprise Diana, du lait concentré et en poudre de l’entreprise Los Andes, de la farine de maïs, des haricots de la Corporation Vénézuélienne d’Aliments (CVAl), des fruits, des salades et des légumes produits sur les terres communales, et également par des producteurs individuels – familles – de la communauté.

De bonne heure accourent également vers cet endroit des habitants et habitantes. Ils viennent des rues principales, de la zone basse et empruntent le pont rouge en fer qui enjambe le fleuve, ce fleuve qui descend vers l’endroit où quatre hommes déjeunent de retour du haut qui paraît trop haut, des hommes qui d’ici quelques mois vendront leurs bananes.

 

La chaîne libératrice


« Nous sommes encore des novices qui posent les fondements ; même si nous avançons, nous produisons encore à très faible échelle, nous devons couvrir les besoins de l’axe communal », dit Eidis Brito tout en conduisant l’un des camions de la communauté. Avec celui-ci, ils montent jusqu’à la zone haute par la route empierrée, pleine de trous et pentue, ils descendent les récoltes jusqu’à l’Unité d’approvisionnement, et vont jusqu’à l’état de Carabobo acheter directement les produits des entreprises d’état.

Eidis sait qu’ils doivent augmenter la production, qu’ils ont besoin de 40 000 poulets et 400 hectares pour les semailles communales pour répondre au besoin de l’axe (où vivent 10 630 personnes) dans ces domaines. Ils doivent aussi avancer sur deux points : avoir le contrôle sur la totalité de la chaîne productive, et renforcer la chaîne. C’est-à-dire, le processus qui permet la mise en marche d’un nouveau projet à partir d’un projet déjà existant pour renforcer celui-ci à son tour.

 

Vivier communal agro-écologique

Vivier communal agro-écologique

 

Sur le premier point, ils ont pu avancer à certains niveaux. Le cas de la production agricole, par exemple, est le suivant : avec les pépinières communales agro écologiques (où  fonctionnera  en plus un banc de géo plasma, et dont l’objectif principal est de récupérer les variétés de cacao autochtone, comme le cacao perla), ils produisent une partie des semis pour les petites exploitations communautaires- les autres sont achetés aux entités d’état ou sur le marché privé.

Ce que l’on récolte là est transporté par la communauté vers l’Unité d’Approvisionnement, rompant ainsi partiellement avec le monopole des intermédiaires, qui achètent les produits aux agriculteurs à bas prix pour les revendre avec une augmentation qui à la fin peut aller jusqu’à 100%. La réponse communale est cependant insuffisante : ils doivent distribuer avec un camion –parfois ils en ont deux- 1 240 000 bananes, ceci correspond à la quantité que peuvent produire les 62 hectares communaux.

Finalement, les efforts des paysans sont rassemblés et le fruit de ces efforts est vendu de façon communautaire, à un prix inférieur à celui qu’impose le marché (« la maracuya » (fruit de la passion), par exemple, est vendue 40 bolivars le kilo, alors que dans les magasins privés elle se trouve à 60). De plus, depuis l’Unité d’Approvisionnement, on réalise des opérations de vente aux communautés les plus éloignées pour garantir un accès équilibré aux produits.

Ce parcours – qui n’est pas encore totalement entre les mains de la communauté, et qui fonctionne à une échelle réduite – représente l’exemple le plus avancé de ce que l’on fait dans la communauté de Cajigal. Néanmoins, ceci ne se produit pas dans d’autres circuits, comme celui des poulets. Là, il y a un problème à la base : l’aliment, les poussins (que l’on fait grossir) de même que les matériaux pour construire les hangars : tout est aux mains du secteur privé. La vente, elle, se fait directement à la communauté sans intermédiaires.

 

Le travail de préparer le ciment pour construire les logements des membres de la commune.

Le travail de préparer le ciment pour construire les logements des membres de la commune.

 

Le problème des matériels de production auxquels doivent faire face les « communards» (dans un contexte de guerre économique qui provoque de soudaines hausses de prix) n’est pas réservé à ce cas. Face à cela, ils ont élaboré un projet, la chaîne productive. Pour continuer avec cet exemple : Eliel, Augusto et des centaines d’hommes et de femmes qui construisent jour après jour la communauté en sont arrivés à la conclusion qu’il leur fallait un local pour l’abattage des poulets. Pour pouvoir le mettre sur pied il leur faut produire une plus grande quantité, 70 000 unités environ.

Avec ce local en état de fonctionnement, ils pourraient commencer un processus de séchage des viscères, des plumes et des ongles des poulets, pour ensuite les traiter et les transformer en farine (avec un concentré de protéines) qui serait utilisé comme aliment pour des poulets, économisant ainsi une grande partie des aliments qu’aujourd’hui ils achètent au secteur privé et qui représente une grande partie des dépenses (450 000 bolivars pour 10 000 poulets, qui, au bout du compte, rapportent un bénéfice de 150 000 à 200 000 bolivars nets). A son tour, ce même aliment pourrait être utilisé pour le projet d’élevage de cachamas (poisson d’élevage), autre espace de production qu’ils cherchent à mettre sur pied.

Le local d’abattage permettrait de vendre des poulets déjà préparés pour être cuisinés, des poulets qui pourraient être stockés dans les cinq caves (d’une capacité de 10 000 kilos chacune) qui se trouvent à l’Unité d’Approvisionnement ; ils pourraient  être vendus à un prix, là encore, plus bas (actuellement ils les vendent à 40 bolivars alors que dans les magasins privés ils frisent les 60).

Le problème auquel ils sont confrontés pour mettre en marche ce processus représente un seul problème mais il est central : les ressources (ils expliquent qu’en plus du local d’abattage, ils pourraient mettre en fonctionnement une incubatrice ce qui réduirait le coût de l’achat des poussins). Sur ce point, la communauté a trouvé une solution, partielle, mais qui est parvenue à dynamiser le projet : le réinvestissement des excédents générés par les projets eux-mêmes de la communauté. Néanmoins, les temps que nous vivons durent et sont incertains (la construction d’un hangar coûte aujourd’hui 200 000 bolivars, mais dans le contexte inflationniste spéculatif son prix peut augmenter rapidement), et pour réaliser des projets « d’ampleur » ils ont besoin d’un financement d’État, assure Eilis.

 

Le socialisme, c’est plus que produire


La genèse est la suivante : d’abord, il y a eu 105 maisons attribuées par l’Etat (le Ministère du Pouvoir Populaire pour les Communes et les Mouvements Sociaux). Avec la construction de ces logements on a généré un excédent économique- en économisant- qui leur a permis de construire les 5 hangars, et avec l’excédent né de l’élevage des poulets ils ont pu mettre sur pied la fabrique de parpaings, qui à son tour a généré une part d’économie dans la construction de nouvelles habitations (jusqu’à présent, ils en ont construit 487 sur la communauté). Les deux secteurs de production sont situés sur les 9 hectares communautaires également achetés avec les excédents.

Comment ? Grâce au travail volontaire. Celui-ci est le moteur qui a permis d’en arriver là aujourd’hui, construire l’esprit de la communauté, ses moyens. Car, non seulement ils ont économisé sur la main d’œuvre (les hangars ont été construits par des volontaires de la communauté, en plus de l’horaire normal de travail de chacun, seuls les soudeurs ont reçu une prime). Comme l’explique Eidis, « C’est ce mécanisme qui a réveillé la conscience sociale face à une culture capitaliste de 500 ans et a fait que l’on pense comme des sujets collectifs et non pas individuels ».

Ainsi, par exemple, avec les ressources pour construire 500 mètres de route, ils en ont construit un kilomètre. Ceci, en plus de générer une amélioration de la viabilité (dans un secteur, bien qu’à petit échelle, stratégique pour le transport des récoltes), a renforcé la communauté elle-même. Leyda Espinoza, porte-parole et membre référente de la communauté, explique ce que signifie pour eux cette pratique : « Le travail volontaire est le travail libérateur par excellence, car nous travaillons pour notre environnement, nous ne le faisons pas pour gagner quelque chose de personnel, nous nous renforçons nous-mêmes, nous renforçons le développement endogène, la communauté qui croît et s’alimente socialement, économiquement et culturellement ».

 

Centre communal de fabrication des parpaings

Centre communal de fabrication des parpaings

 

C’est pour cette raison que, grâce au travail volontaire, ils parviennent à générer des excédents dans chacune de leurs entreprises ; ceux-ci ont été réinvestis dans cette même entité qui les a générés (des machines pour de nouveaux espaces de production,  l’ouverture d’une période de nouvelles semailles, de l’aide pour les problèmes de santé, des œuvres sociales, des enterrements, etc…). Ainsi petit à petit,  s’est consolidé « cet être social » dans lequel croit Eilis  et qu’il a découvert aux côtés de ses « compagnons » et « compagnes » de la Commune.

Car, comme l’affirmait Ernesto Guevara lorsqu’il était ministre de l’industrie en 1965, lors de la révolution cubaine naissante, « le communisme est un phénomène de conscience et pas seulement un phénomène de production ; on ne peut pas parvenir au communisme par la simple accumulation de quantités de produits mis à la disposition du peuple ».

C’est pour cette raison que celui-ci insistait sur le besoin de « stimulant moral » comme étant le moteur central (en tension/confrontation avec le « stimulant matériel individuel »). Le travail volontaire était dans cette perspective l’une des principales formes de prise de conscience populaire pour impulser une production, un développement d’un autre type, non capitaliste, la même conclusion à laquelle sont arrivés les « communards » et « communrades » de Cajigal.  C’est pourquoi Augusto insiste et relie ce nouveau processus avec un nouveau travail : « N’importe quel compagnon peut être membre de la Commune. Il doit commencer par participer au travail volontaire, par être avec l’autre, alors un instituteur peut être membre de la Commune, n’importe qui peut l’être ».

***

L’horizon prend fin quelques petits mètres plus loin, parfois moins. Les hommes se cherchent les uns les autres en criant. Dans la zone basse, il n’y a plus de montagnes et les plantes poussent grandes, grosses et serrées. Près de là, se trouvent les palétuviers, les canaux et le fleuve débouche dans le golfe de Paria, la mer s’ouvre. Là, les hérons rouges marchent sur le sable à marée basse, ils volent par dix, vingt, quarante et reviennent se poser, et chercher dans les flaques, les aliments, la vie que laisse l’eau lorsqu’elle se retire.

Un homme avance avec sa machette entre les plants de maïs, les cocotiers et les potirons. Il admire ce que lui donne la terre, l’effort. Celui-ci a prêté son terrain à la Commune et à présent une petite exploitation y fonctionne; six personnes y travaillent, toutes financées comme les quatre hommes de la colline brûlée, comme ceux qui voudront parier sur la production collective. « Le problème, ce n’est pas la terre- les pastèques  mesurent jusqu’à près d’un mètre- mais les outils et la distribution », explique Eidis.

Les « communards » et « communardes » de Cajigal savent que les terres représentent  tout comme l’organisation populaire, la conscience collective qui va croissant, le processus de  transformation. Ils ont également découvert qu’ils peuvent. Ils l’ont prouvé aux gens qui n’y croyaient pas, à l’État. Mais de cet État ils en ont encore plus besoin, pour renforcer le pouvoir communal- ce nouveau pouvoir qui libère-, l’autonomie. Car ils ont un financement propre, capable d’impulser des projets mais, comme disait Eidis, les limites sont celles de la dimension de cette impulsion.

C’est pour cela que, depuis leur réalité enracinée dans la terre, ils donnent l’exemple et réclament. Ils réclament, de même qu’Augusto demande, propose : « je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement conclut une fois de plus des accords avec le privé qu’ils acceptent jusqu’à ce qu’ils se disputent à nouveau. Pourquoi n’en finit-il pas avec cette toile d’araignée et ne met-il pas en place un plan de six mois avec le peuple et l’armée, nous vivrons ces six mois terribles mais nous monterons des fabriques d’aliments concentrés, de traitement du cacao, nous ferons des plans nationaux de semis de riz, de maïs et de haricots ». Il ne comprend pas non plus pourquoi le Ministère de l’Agriculture et de la Terre ne finance pas des conseils communaux mais seulement des producteurs individuels.

 

Plant de banane à cuire

Plant de banane à cuire

 

Toutefois, ce désaccord ne mène pas à l’échec mais à la nécessité de lutter davantage, de se retrouver avec d’autres Communes pour débattre de l’économie communale, d’une économie qui doit être inventée, avec un héritage comme celui de Guevara (qui a inventé, remis en question l’existant- même le socialisme qui était alors en vigueur-, qui a montré le chemin de la transition en Amérique latine : « un cri lancé depuis le sous-développement ») et surtout les héritages laissés par chaque expérience révolutionnaire vénézuélienne qui pousse le possible un peu plus loin.

Car, derrière les bananes, derrière la Commune se trouvent les hommes qui sortent à l’aube, refermant la porte de leur maison, qui allument des feux, brûlent la terre, au soleil et qui marchent sur des chemins violets et rouges de cacao- d’un cacao que d’autres sur d’autres continents ont pris durant des siècles-, et ils le font pour le repas, la vie et un projet nouveau dont ils savent qu’il leur est propre, qu’il appartient à un peuple qui en a ouvert les portes. C’est sur ces hommes que repose l’urgence de la possibilité de la Commune, de sa nécessité, comme celle du fleuve qui descend, des hérons rouges et de ce que laisse l’eau lorsqu’elle se retire.

 

SONY DSC

 

Texte: Marco Teruggi. Photos: Milangela Galea


Source: http://www.mpcomunas.gob.ve/lo-que-deja-el-agua-cuando-se-va/

 

Traduction : Sylvie Carrasco


URL de cet article : http://wp.me/p2ahp2-1G5

Publié dans Venezuela

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article