14-18 : HOLLANDE A TRANCHE AU PROFIT DES BAÏONNETTES

Publié le par Tourtaux

14-18: Hollande a tranché au profit des baïonnettes

|  Par Antoine Perraud

 

En commémorant la prétendue «Grande » guerre, François Hollande a perdu l'occasion non pas de se taire – ce qu'il ne cesse de faire en articulant ! –, mais de parler, enfin haut et fort. Pour fustiger ce carnage industriel au lieu de l'exalter, en petit notable conformiste de la République… Parti-pris et vidéo.


La gauche française, confrontée aux guerres du XXe siècle, s’est hélas toujours trompée à l’unisson du pays. Il fallait refuser de partir la fleur au fusil en 1914, il fallait combattre la barbarie nazie lors du second conflit mondial et il fallait, ensuite, récuser le bourbier colonial. Ce n’est pas verser dans l’anachronisme que de l’exprimer nettement, mais contribuer à rappeler au politique et même à l’historien, ainsi que le concède Jean-Noël Jeanneney, « le péril méthodologique d’une excessive rationalisation rétrospective des événements et des comportements ».


Attitude désastreuse durant les événements, gestion calamiteuse de leur suite mémorielle : le 11-Novembre n’a que trop duré, le 8-Mai est passé à la trappe du temps de M. Giscard et la représentation nationale s’avère incapable de s’entendre sur une date à propos des conflits coloniaux qui empoisonnèrent la République.

1914-1918 fut un moment matriciel, monstrueux, mémorable. On peut apprécier les études historiques passionnantes, de Pierre Renouvin à Nicolas Offenstadt, en passant par Marc Ferro, Jean-Jacques Becker (et sa fille Annette), Antoine Prost (magnifique thèse sur les anciens combattants), Stéphane Audoin-Rouzeau et consorts. On peut priser l’approche comparatiste et transnationale de l’Historial de Péronne (de loin supérieur à ce musée de collectionneur compulsif qu’abrite Meaux, inauguré au pas de charge par Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé). On peut trouver passionnantes les recherches sur la mémoire et les représentations collectives, l’industrialisation et la mécanisation, ou tout simplement l’argot des tranchées. Mais il faut sortir du mythe patriotique comme de la liturgie nationale.


Pour le cinquantenaire de la boucherie, le général de Gaulle prononça, au palais de l’Élysée, une allocution radio-télédiffusée : « Le 2 août 1914, jour de la mobilisation, le peuple français tout entier se mit debout dans son unité. Cela n’avait jamais eu lieu. Toutes les régions, toutes les localités, toutes les catégories, toutes les familles, toutes les âmes se trouvèrent soudain d’accord. En un instant, s’effacèrent les multiples querelles, politiques, sociales, religieuses, qui tenaient le pays divisé. »


Est-il concevable qu’un demi siècle plus tard, un président socialiste, de 64 ans plus jeune, débite le même catéchisme ? Certes, François Hollande, dans son propos du 7 novembre (anniversaire de la révolution d'Octobre 1917 !), saupoudra : un doigt d’Europe pour panser le chauvinisme ; une pincée de mutins fusillés pour contrebalancer la gloire des brutes galonnées, le temps d’une allusion. Toutefois, le président de la République française, hanté par la doxa sanguinaire et le sadisme rédempteur de ses prédécesseurs, fut incapable de s’élever jusqu’aux interrogations appropriées : comment le bourrage de crâne put-il à ce point contrecarrer le moindre soulèvement international contre une telle guerre civile européenne absurde ? Pourquoi, avec une fermeté carnassière qui relève à la fois de l'anthropologie et de la psychanalyse, tant de pères envoyèrent-ils tant de fils à la mort ?

 

 

 

Au lieu de quoi, M. Hollande ânonna : « Comment des soldats ont-il pu, pendant des mois et des mois, pousser aussi loin les limites humaines et supporter cet enfer ? » Halte à l’héroïsation niaiseuse ! Dès 1919, Abel Gance, dans son film prodigieux, J’accuse, fustigeait l’étripage.


Certes, la gauche française fut privée de Jaurès – mais rien ne permet d’affirmer aujourd'hui que le dirigeant socialiste, auteur de L’Armée nouvelle, eût choisi de rompre les rangs crosse en l’air. Alors cette gauche se vautra dans “l’Union sacrée” qui, une fois le bain de sang achevé, déboucha sur la Chambre bleu horizon : mimer le patriotisme à outrance profite toujours au jingoïsme franchouillard.


En 1970, invité de la roide télévision gaullo-pompidolienne, le comédien Michel Simon osait citer la formule d’Anatole France : « On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour les industriels. » Cette duperie hante les pages hallucinées d’Au revoir là-haut de Pierre Lemaître (Albin Michel), qui vient d’obtenir le prix Goncourt. Mais dans une régression qu’il croit douillette, François Hollande, brocanteur d'épopée, raboteur d’angles et prudent bobardier, radote : « Commémorer la Première Guerre mondiale, c’est aussi célébrer la victoire de la République car la République se révéla plus forte que les Empires centraux. »

En réplique aux vaticinations prudhommesques du chef de l’État, voici une petite vidéo vengeresse. Nous renvoyons ses contempteurs éventuels au mot symptomatique du général Pétain, en 1916, apercevant pour la première fois un opérateur de prise de vues parvenu à rallier (railler ?) le champ de bataille : « Nous nous battons, monsieur, nous ne nous amusons pas ! »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Publié dans Guerre 14-18

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