ARDENNES : LE CONSEIL GENERAL A CHAUD LE CUL !

Publié le par Tourtaux

Le conseil général a chaud aux fesses

Entre 2006 et 2009, les sociétés Evolution et Clim Sol d'Hubert Lambinet ont raflé plus d'1,2 million d'euros de marchés publics par la grâce du conseil général.

CHARLEVILLE-MÉZIÈRES (Ardennes). Le parquet de Charleville-Mézières a reçu une nouvelle plainte concernant les conditions d'attribution de certains marchés publics du conseil général des Ardennes, en avril dernier. Après l'enquête pour délit de favoritisme portant sur les cuisines des collèges entre 1999 et 2002, un entrepreneur dénonce des irrégularités sur de récents marchés de climatisation. Point commun entre ces dossiers ? Un certain Hubert Lambinet.

 

DU temps où il était directeur du département collectivité à la Saremico, Hubert Lambinet raflait près de 80 % des appels d'offres pour la rénovation des cuisines scolaires du conseil général des Ardennes. Quand il a claqué la porte pour créer sa propre société en 2003, il a continué à faire son beurre avec le Département. Recentré maintenant sur l'installation de climatisations, le patron des sociétés Evolution et Clim Sol continue de s'offrir une belle part du gâteau.
Ses concurrents ont beau contester le manque de transparence dans l'attribution de marchés et pester auprès des directeurs des bâtiments départementaux successifs… Ils se font gentiment envoyer sur les roses.
« Baroud d'honneur »
Ils n'ont pas davantage de chance avec les élus. L'équipe du président Benoît Huré - les membres de la commission d'appels d'offres en tête - feint de ne rien savoir (lire par ailleurs).
De guerre lasse, quelques chefs d'entreprise tirent une dernière fois la sonnette d'alarme. L'été dernier, ils s'offrent un encart publicitaire dans le journal.
« Une sorte de baroud d'honneur pour dire notre ras-le-bol. Car, de toute façon, nous avons décidé de ne plus soumissionner aux appels d'offres du conseil général des Ardennes. C'est de l'énergie perdue, alors on s'est recentré sur le privé ».
Comme le petit manège s'inscrit dans la durée, ils ont le sentiment que leur concurrent jouit d'une certaine impunité. Et ce d'autant que la justice tarde à passer dans l'affaire des marchés publics truqués des cuisines scolaires dénoncée il y a six ans (notre édition du 25 novembre).
Pendant ce temps, Hubert Lambinet continue d'user des mêmes recettes pour mettre du beurre dans les épinards. Tout au long des années 2004-2006, la société Evolution met joyeusement la main sur une belle série de marchés. Elle remplace les fours et aménage les cuisines scolaires de nombreux de collèges.
Mais ce sont là de menus contrats. Car la société Evolution, doublé de la société Clim Sol à partir de 2005, est attributaire de marchés bien plus juteux. Pour la période 2006-2009, elles mettent la main sur plus d'un 1,2 million d'euros de contrats. « Dans le département, cela fait rire tout le monde », ironise un patron.
Savant calcul
Il en va ainsi du « marché de réhabilitation des bureaux du 1er étage de l'hôtel du Département » initié en mai 2007. Un concurrent d'Evolution, moins disant de 45.000 euros, se fait éjecter sur la foi d'un savant calcul de consommation électrique qui laisse pantois. Un autre perd les cuisines par la grâce du Cahier des clauses techniques particulières (CCTP) qui préconise un plan de travail de 72 centimètres de profondeur au lieu d'un standard à 70 ou 80. Une aubaine pour Evolution qui est plus cher, mais dont le fournisseur entre justement dans le format.
Un concurrent tape du poing sur la table. Cette fois, ses arguments font mouche. Craignant des suites judiciaires, un agent du conseil général trouve un compromis surprenant qui revient ni plus ni moins à acheter le silence du mécontent (lire encadré page suivante).
A la même période, le conseil général des Ardennes décide de climatiser les bâtiments de la Maison départementale de l'enfance et de la famille (Madef) située à Warcq. Le CCTP préconise l'installation d'un système tentaculaire. Le bâtiment principal accueillerait une unité centrale à laquelle seraient greffés de petits appareils pour les annexes.
Le miracle pour Evolution
« Tout le monde s'est demandé qui avait pondu une ineptie pareille », remarque un chef d'entreprise. Un tel montage est aussi coûteux à réaliser que gourmand en énergie. « Il fallait prévoir d'ouvrir les sols pour faire passer les conduits », indique un autre patron. Les entreprises listent les erreurs avant de faire une contre-proposition sur la base d'unités indépendantes.
Les offres sont rejetées, faute de conformité au CCTP. Mais, miracle pour la société Evolution, qui l'emporte deux semaines plus tard en optant pour la solution alternative qui a valu aux autres d'être évincées.
Le dernier marché en date tombé dans l'escarcelle d'Hubert Lambinet est celui de la climatisation de la future Maison départementale de l'autonomie (MDA) qui sera installée en lieu et place de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), avenue Charles-de-Gaulle à Charleville.
Ce chantier d'avril 2009, dont l'enveloppe globale avoisine les cinq millions d'euros, prévoit de regrouper en un seul site le pôle handicap vieillesse, la MDPH et le Centre local d'information et de coordination (CLIC).
Comme pour les marchés précédents, le conseil général se livre à un curieux tour de passe passe avec les entreprises en course.
A l'ouverture des plis, une entreprise se hisse en tête du tableau. « Pour une fois, ce n'était pas la société Evolution, témoigne un des intervenants de la procédure.
Nouveau tour de table
Mais, surprise, l'appel d'offres est déclaré infructueux. Un nouveau tour de table est organisé. Hubert Lambinet y répond, non plus par le biais d'Evolution, mais par sa deuxième société, Clim Sol. Cette dernière l'emporte grâce à une offre légèrement en dessous de la barre des 190.000 euros. « Cette fois, ils étaient moins chers que les autres à hauteur d'environ 10 % », poursuit l'interlocuteur.
A en croire Hubert Lambinet, les reproches et les plaintes lancées à son encontre ne seraient qu'une affaire de jalousie. « Nous avons réalisé deux millions d'euros de chiffre d'affaires avec Evolution au bout de trois ans d'activité. Ceux qui auraient voulu continuer à se partager le gâteau en deux au lieu de trois veulent que je n'existe plus. D'ailleurs, des gens ne nous prennent plus aujourd'hui en appel d'offres par peur d'avoir des histoires. » Il y a en tout cas de quoi piquer la curiosité de quelque magistrat. Ce d'autant que le parquet de Charleville-Mézières a été saisi d'une récente plainte…
Eric

LAINÉ

elaine@journal-lunion.fr

Publié dans Politique

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