ASSOCIATION D'AMITIE FRANCO-COREENNE : LE FEDERALISME, UNE REPONSE ADAPTEE A LA DIVISION DE LA COREE

Publié le par Tourtaux

23 octobre 2014 4 23 /10 /octobre /2014 21:49

Le 10 octobre 1980, à l'occasion du sixième congrès du Parti du travail de Corée le Président Kim Il-sung de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) formulait la proposition d'une République fédérale démocratique de Koryo, consistant en la formation d'un seul gouvernement, compétent pour les questions politiques, militaires et diplomatiques, chaque partie - Nord et Sud - reconnaissant et admettant l'idéologie et le régime de l'autre. Cette solution pragmatique - consistant en une confédération - a inspiré le rapprochement et les échanges intercoréens, en favorisant les coopérations dans le cadre des déclarations conjointes du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007 auxquelles se réfèrent pleinement les autorités nord-coréennes. En revanche, du côté sud-coréen, les positions ont fluctué suivant les gouvernements et les chefs d'Etat, et la période récente a encore fait apparaître les ambiguïtés et les atermoiements des positions exprimées par la présidente sud-coréenne Park Geun-hye, alors que le Nord a multiplié les gestes d'ouverture ces derniers mois.


Officiellement, pour la Présidente Park Geun-hye, il s'agit de conduire les relations intercoréennes sur la voie d'une trustpolitik, c'est-à-dire d'une confiance mutuelle. Mais où est la confiance avec le Nord, quand Mme Park Geun-hye, dans son discours prononcé le 24 septembre 2014 devant l'Assemblée générale des Nations Unies, a mis l'accent sur l'abandon préalable par le Nord de ses armes nucléaires, brandi la question des droits de l'homme et "appelé la communauté internationale à se tenir à (ses) côtés", alors que les déclarations conjointes Nord-Sud du 15 juin 2000 mettaient l'accent sur la réunification par les efforts des Coréens eux-mêmes, sans ingérence extérieure ? De telles propositions ont repris la vieille lune de la "réunification par absorption", mise en oeuvre avec les limites que l'on connaît en Allemagne.

Pour sa part, la RPD de Corée est restée fidèle à ses propositions de principe, basées sur le fédéralisme comme une réponse pragmatique et adaptée à la situation de la Corée en vue d'avancer sur la voie de la réunification. Lors de la même session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Ri Su-yong, ministre des Affaires étrangères de la République populaire démocratique de Corée, a répondu le 27 septembre 2014 en s'opposant à la posture arrogante de la chef d'Etat sud-coréenne : il a appelé à une résolution pacifique de la question nucléaire, en cessant les manoeuvres militaires conjointes américano - sud-coréennes et en refusant l'instrumentalisation de la question des droits de l'homme à des fins politiques.

 

Ri Su-yong, ministre nord-coréen des Affaires étrangères, à la tribune des Nations Unies le 27 septembre 2014

Ri Su-yong, ministre nord-coréen des Affaires étrangères, à la tribune des Nations Unies le 27 septembre 2014

 

Joignant les gestes à la parole, la RPD de Corée a ensuite confirmé sa volonté d'ouverture en envoyant une délégation de haut niveau, conduite par Hwang Pyong-so, vice-président de la Commission de la défense nationale, à l'occasion de la cérémonie de clôture des Jeux asiatiques d'Incheon, le 4 octobre 2014 - une date qui coïncidait (ce n'est sans doute pas un hasard) avec le septième anniversaire de la seconde déclaration conjointe intercoréenne conclue au plus haut niveau, en 2007, entre le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il et le président sud-coréen Roh Moo-hyun.

Aujourd'hui, l'un des enjeux est la levée des sanctions dites du 24 mai, mises en place unilatéralement par la Corée du Sud en 2010 après le naufrage de la corvette Cheonan, attribué contre l'évidence à la Corée du Nord qui a vivement protesté contre cette mise en cause. Ces derniers jours, des propos de la Présidente Park Geun-hye ont été interprétés comme un geste en ce sens, mais une telle lecture a été considérée comme excessive par d'autres observateurs. En tout état de cause, une nouvelle rencontre de haut niveau entre les dirigeants du Nord et du Sud prévue en cette fin de mois devrait apporter les clarifications attendues sur les intentions des autorités sud-coréennes.

En attendant, des obstacles doivent encore être levés au retour au dialogue et à une atmosphère de confiance réciproque. Si le gouvernement de Séoul prétend ne pas pouvoir s'opposer à l'envoi de tracts anti-RPDC depuis le Sud de la péninsule (tout en jugeant néanmoins inopportune une telle démarche), il s'agit plus d'une pétition de principe que d'un argument en droit : les autorités sud-coréennes ont les moyens de refuser le survol aérien de la DMZ, qui est une zone militaire. Elles ont d'ailleurs opposé un tel refus à un groupe civique qui entendait ainsi lancer des ballons munis de tracts pour critiquer la gestion du naufrage du "Sewol", ayant gravement mis en cause le gouvernement de Mme Park. Mais dans le cas des opposants à la Corée du Nord, le Gouvernement et les militaires sud-coréens font preuve d'une tout autre mansuétude, alors même qu'un lancer de tracts d'opposants à la RPDC est annoncé le 25 octobre prochain à Pujo, dans la zone P-513 interdite de survol aérien. Une fois encore, les conservateurs sud-coréens appliquent une politique du "deux poids deux mesures" pour refuser l'exercice de la liberté d'expression de leurs seuls opposants, ce qui ne les qualifie pas pour s'ériger en parangons de démocratie.

Dans ce contexte encore lourd d'incertitudes, deux incidents frontaliers sont intervenus récemment : le 10 octobre, des tirs de mitrailleuse ont été échangés de part et d'autre du 38e parallèle, le Nord ayant mis à exécution sa menace de tirer sur les ballons transportant des tracts hostiles à la RPDC ; le 19 octobre, des échanges de tirs ont eu lieu dans la zone démilitarisée.

Même lors des précédentes phases de dialogue, notamment pendant la décennie du "rayon de soleil" (1998-2008), des incidents meurtriers pouvaient se produire, et il n'y a donc pas lieu de surinterpréter ceux intervenus ces dernières semaines, qui n'ont apparemment - et heureusement - pas fait de victimes. Mais ils témoignent, si besoin était, de l'urgence de résoudre de manière pacifique le conflit toujours latent dans la péninsule coréenne.

Sources :

Publié dans L'Asie en lutte

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