JEAN-MARIE DELARUE, CONTROLEUR GENERAL DES PRISONS DENONCE UNE DERIVE SECURITAIRE
Par Tony Fonteneau, publié le 10/03/2010 à 17:02 - mis à jour le 10/03/2010 à 17:17
Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de libertés, a présenté ce mercredi son rapport annuel. L'occasion de revenir sur les problèmes rencontrés par les captifs.
AFP PHOTO PHILIPPE MERLE
Vue de l'interieur de la prison Montluc prise le 1 juillet 2009 à Lyon.
"Il y a encore beaucoup à faire". Si Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté (prisons, hôpitaux psychiatriques, locaux de garde à vue...), tente de faire bonne figure, le constat dressé, à l'occasion de la publication de son rapport annuel, n'a rien de réjouissant.
Manque d'activité et vidéo-surveillance excessive, tels sont les deux principaux griefs adressés aux responsables des lieux d'incarcération ou d'internement.
Le rapport du contrôleur général, dénonce l'hyper sécurisation érigée en priorité, notamment dans les établissements pénitentiaires. "Je ne suis pas opposé à la vidéo-surveillance. Mais il faut vraiment dresser des limites comme l'interdiction des caméras dans les cellules, les lieux de soins, les lieux de rencontres avec les avocats...".
En ligne de mire, les nouvelles prisons ultra-sécuritaires, comme celle de Corbas, près de Lyon ou celle de Bourg en Bresse. "Dans ces maisons d'arrêts, on a multiplié le béton, les grilles de séparation et les caméras, tout cela au détriment d'une chose : les relations humaines" ce qui n'est bon ni pour les gardiens, ni pour les détenus. "À long terme cette politique ne fera qu'augmenter la violence".
La majorité des prisonniers s'ennuie à mourir
Pour Jean-Marie Delarue, la seule solution, c'est de "revoir très sérieusement la conception des futurs établissements et de réduire leur dimension". Le contrôleur souhaiterait "150 à 200 détenus par prison". Les prisons construites en 2008-2009 peuvent accueillir plus de 600 détenus.
À l'automne dernier, le Parlement a voté une loi qui instaurait l'obligation pour une personne condamnée d'exercer une activité. Pourtant, le rapport du contrôleur met en avant la non-application de ce texte. "Aujourd'hui, les activités sont réservées à une minorité de personnes car on manque de personnel, mais aussi de moyens matériels. Ce qui fait que la grande majorité des prisonniers s'ennuie à mourir". Une situation qu'avait déjà dénoncée le secrétaire d'État à la justice, Jean-Marie Bockel. Il avait souligné l'importance de lutter contre l'oisiveté afin de lutter notamment contre les suicides en prison.
Pour ce qui est de la formation professionnelle, le contrôleur estime que la situation "est encore pire que celle concernant les activités". À l'heure actuelle, seulement un détenu sur cinq bénéficie d'un emploi en prison. "Pourtant, c'est la seule chance qu'ont les captifs de s'en sortir. C'est pour eux un moyen de sortir de l'infantilisation de la prison et de se reconstruire. En plus, cela permet de gagner de l'argent, souvent bien utile une fois dehors".
Une embellie malgré tout
Aujourd'hui, si le contrôleur général a bien conscience de l'ampleur de la tâche qui l'attend pour rendre les lieux de privation de liberté plus vivable, il constate cependant une embellie. "En 18 mois d'existence (ndlr. La fonction a été créée en juillet 2008), il y a quand même eu une évolution. La preuve, maintenant les directeurs d'établissements savent qu'ils vont être contrôlés et font désormais plus attention. Il faut donc continuer le travail, sans polémiquer, mais aussi sans céder".
Source : L'Express