LE CAPITALISME N'A PLUS LA COTE !

Publié le par Tourtaux

 

Surprise, surprise, le capitalisme n’a plus la cote - Par Hélène Nouaille

jeudi 12 novembre 2009, par Comité Valmy


Un changement d’avis, quand la raison en presse,

N’est pas une action contraire à la sagesse,

Jean de Rotrou, Antigone, IV, 6 (1638)

“ Surprise, surprise ”, écrit Murray Dobbin. Il est membre du conseil du Canadian Centre of Policy Alternatives, mais il cite, en fait, les résultats d’un sondage de BBC World Service, réalisé dans 27 pays du 19 juin au 13 octobre 2009. “ Les gens, autour du monde, se demandent si le capitalisme cow-boy est bon pour eux. Alors que les médias donnent dans les histoires du mur de Berlin ad nauseam (qui s’en soucie ?) un sondage montre qu’il existe une certaine nostalgie pour le communisme et quelques regrets concernant la chute de l’Union soviétique. Le sondage – 29000 personnes dans 27 pays – indique que 11 % seulement pensent que le capitalisme du libre marché fonctionne bien. Selon le site de la BBC, il n’est que deux seuls pays, les Etats-Unis et le Pakistan, où il se trouve plus d’une personne sur cinq pour penser que le capitalisme marche aussi bien qu’il le prétend. Presque un quart – 23% de ceux qui ont répondu – pense qu’il est irrémédiablement atteint. Un point de vue partagé en France à 43 %, au Mexique à 38 % et au Brésil à 35 % ” (1).

La phrase de conclusion ? “ l’étude ne demandait pas ce qui devrait être fait ou quel système pourrait remplacer ce qui existe aujourd’hui ”. Justement, c’est dans cette incertitude que se sont installés les détenteurs de non valeurs d’avant la crise, ceux qui prient avec ferveur pour que le système se perpétue – sans quoi... Sans quoi ils ne passeront pas l’hiver, ou le printemps, enfin ils ont en tête la chute de Lehman Brothers, ou pire, les poursuites pénales. Mais ils ne font pas que prier : ils jouent la montre avec autant d’astuce que possible. Ne vous demandez pas où sont passées les créances irrécouvrables, elles sont toujours entre leurs mains. Et comme les pousses vertes n’ont pas été suivies d’une poussée de sève durable (surtout pas dans l’immobilier américain (2), sensé les garantir), mieux vaut ne pas les évaluer. Mais les dates d’échéance ? Eh bien il suffit, entre soi, de s’accorder des délais – d’empêcher la bulle de finir d’exploser.

Dans le même temps, le marché du crédit étant ce qu’il est, banques et fonds divers peuvent emprunter à des taux très avantageux et acheter les bons d’Etats qui servent des intérêts substantiels (3). Tout en évitant d’engager de nouveaux crédits avec les acteurs économiques qui souffrent, eux, de la réduction des échanges et de la diminution de la consommation quand le chômage augmente, amputant les revenus et la confiance des citoyens. Dans ce contexte, on se demande d’où pourrait venir une reprise soutenue. A ceci, ajoute Olivier Baumgartner-Bézelgues pour le Temps, il faut ajouter que “ les entreprises ne pouvant plus se tourner vers les banques pour se financer vont faire appel au marché obligataire. L’explosion du nombre d’émissions obligataires d’entreprises non financières est attendue pour les trimestres à venir ”. Ou encore “ le mur d’obligations d’entreprises et de prêts bancaires qui arrivent à échéance de 2013 à 2014 et devront être renouvelés ” (4). Belle perspective.

De tout ceci, les 29000 sondés par la BBC ne savent rien : les discours officiels relayés par les médias se veulent rassurants, le ralentissement de la dégradation de l’économie est présenté comme l’amorce d’une reprise, à peine perce-t-il une inquiétude chez des analystes qui s’expriment prudemment dans des enceintes fermées. Seule l’explosion des chiffres du chômage, qui a officiellement passé la barre des 10 % aux Etats-Unis (5) et devrait s’établir de même dans l’Union européenne, et les appels à la patience parce que la reprise espérée sera lente, rappellent à chacun la réalité du temps : “ nous devons commencer à travailler davantage à moyen terme, et déterminer de quelle manière nous pouvons le mieux corriger les effets néfastes de la crise sur les marchés de l’emploi, les finances publiques et la croissance potentielle ”, déclarait ainsi Joaquín Almunia, commissaire européen responsable des affaires économiques et monétaires, résumant une position générale des dirigeants de la planète.

Pourtant, les pays émergents (Chine, Brésil par exemple) voient leur économie – capitaliste - s’affermir par rapport à celles de l’Occident développé ? Eh bien en Chine, si l’on ne rejette pas le capitalisme, on pense à 52 % que l’Etat doit jouer un rôle plus important dans le contrôle des grands acteurs économiques et l’on est même sept sur dix à souhaiter qu’il s’implique dans une redistribution équitable des richesses. Au Brésil, on se distancie plus, à 35 %, du système, et comme dans toute l’Amérique latine, on est “ particulièrement enthousiaste pour un rôle plus actif des gouvernement pour conduire l’économie ”, neuf personnes sur dix attendant d’eux une meilleure redistribution, “ 92 % au Mexique, 91 % au Chili, 89 % au Brésil ”. On peut ajouter à cette liste la Russie et l’Ukraine, mais aussi l’Indonésie (65 %) et dans une moindre mesure, la France (57 %). On est plus réservé en Inde, où, au contraire, une majorité ne souhaite pas un rôle accru du gouvernement sur l’économie (60%), comme aux Etats-Unis (59%), au Pakistan et en Pologne.

Si nous résumons, comme le dit l’étude, dans 22 des 27 pays interrogés, les citoyens veulent une meilleure répartition des richesses et dans 17 des pays sondés une majorité souhaite que ce rôle soit tenu par l’Etat, c’est à dire par une représentation nationale ressentie comme légitime, la tour de contrôle d’une société humaine, ce qui devrait satisfaire les promoteurs des systèmes démocratiques. Mais, nous dit encore l’étude, “ le sondage demandait aussi si l’effondrement de l’Union soviétique était une bonne ou une mauvaise chose”. Dans 15 des pays sondés, une majorité (54%) pense que la disparition de l’URSS était une bonne chose, principalement dans les pays développés de l’Ouest où les trois quart des citoyens partagent cette opinion. Mais dans les 12 autres, les choses sont plus nuancées : on trouve presque un quart des sondés pour penser le contraire (22%) et un autre quart indécis quant à leur réponse (Inde, Kenya, Indonésie), avec même (Egypte, 69%) une majorité à penser que cette désintégration était franchement regrettable.

Que regrettent-ils du système communiste ? L’histoire ne le dit pas. L’étude souligne simplement que personne ne souhaite la disparition du système capitaliste lui-même : c’est à une régulation que la majorité des sondés appellent, et ils font pour cela confiance à leurs propres autorités, souhaitant selon les pays qu’elles s’impliquent plus ou moins directement dans la conduite de l’économie – les moins enthousiastes se trouvant aux USA, en Allemagne et en Turquie où les trois quart des citoyens souhaitent voir l’Etat ne pas intervenir dans les affaires économiques. On comprend que la préoccupation principale des grand-messes du G20 (6) soit la rédaction d’un communiqué final rassurant avec photo de groupe, communiquant via les medias aux “opinions” que les dirigeants maîtrisent ensemble la situation générale, avec mise à l’index des “fautifs” (les banques, les bonus...) même si les mesures concrètes font défaut.

Les citoyens, en fait ne paraissent pas si éloignés des dirigeants politiques dans leur quête incertaine d’un système cohérent pour demain. “ L’avenir paraissait s’inscrire dans un monde où l’emprise de l’Etat devait reculer au profit d’une main invisible du marché infiniment plus efficace ” écrit Jean-Marc Vittori dans les Echos (7). Après les catastrophes qui les ont vu “ jouer les pompiers ” (et pour certains, changer spectaculairement d’avis), on a vu des myriades d’experts travailler “ sur les failles du marché, l’utilité des réglementations, les biens publics. Ils ont produit des dizaines de milliers de papiers. Il y a une théorie de théories, mais plus de théorie générale ! Le rôle de l’Etat est impensé ”. Comment les citoyens pourraient-ils imaginer, bâtir à eux seuls une théorie générale ? Et que demandent-ils au fond ? De l’ordre, une prise de responsabilité de leurs dirigeants légitimes, une amélioration du système dans lequel ils vivent. Rien de révolutionnaire, des nuances entre pays, une majorité contre un laisser faire intégral.

Si par capitalisme on entend ce que Murray Dobbin appelle le capitalisme cow-boy, le désamour est clair. Si au contraire, les dérives en sont contenues, la nostalgie relative marqué à l’égard de son ennemi disparu, le communisme, n’est peut-être que la marque d’un désir de plus d’égalité de fortune entre citoyens. Rien d’extravagant. Rien d’innovant non plus – mais les questions du sondage ne s’y prêtaient pas, dommage.

Mais tel qu’il est apparu au plus grand nombre, caricature d’un système détourné au bénéfice de quelques impénitents insoucieux du bien commun, incorrigibles profiteurs de surcroît quand ils continuent leurs pratiques aujourd’hui encore, non, il n’a plus la cote. Surprise surprise, vraiment ?

Hélène Nouaille

Document et cartes :

D’octobre 2006, le Monde diplomatique : Derrière les mythes du libre-échange http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/atlas-libre-echange

Notes :

(1) Rabble.ca, le 9 novemre 2009, Murray Dobbin, Capitalism isn’t working, says virtually everyone http://rabble.ca/blogs/bloggers/murray-dobbin/2009/11/capitalism-isn%E2%80%99t-working-says-virtually-everyone L’étude détaillée est téléchargeable (PDF, anglais) en complément à l’article : BBC World Service : le 9 novembre 2009, James Robbins, Free market flawed, says survey http://news.bbc.co.uk/2/hi/8347409.stm

(2) CNBC (Reuters), le 9 novembre 2009 Home Prices Sank Further In Most Parts of US in 3rd Quarter http://www.cnbc.com/id/33826643

(3) Voir l’interview de George Soros au Financial Times, le 23 octobre 2009 http://www.ft.com/cms/s/6e2dfb82-c018-11de-aed2-00144feab49a,dwp_uuid=abb716b0-2f7a-11da-8b51-00000e2511c8,print=yes.html

(4) Le Temps, le 9 novembre 2009, Olivier Baumgartner-Bézelgues, Les procrastinateurs http://www.letemps.ch/Page/Uuid/f0a3b7c0-ccaf-11de-8dfd-2186aa37e5c6/Les_procrastinateurs

(5) CNBC, le 10 novembre 2009 Jobless Rate to Hit 10.5%, Keeping Fed in Box : Poll http://www.cnbc.com/id/33824139

(6) Le G20 : dix neuf pays plus l’Union européenne. Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, Etats-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie et UE.

(7) Les Echos, le 10 novembre 2009, Jean-Marc Vittori, L’Etat impensé http://www.lesechos.fr/info/analyses/020212203504-l-etat-impense.htm

Léosthène, Siret 453 066 961 00013 FRANCE APE 221E ISSN 1768-3289. Directeur de la publication : Gérald Loreau (gerald.loreau@neuf.fr) Directrice de la rédaction : Hélène Nouaille (helene.nouaille@free.fr) Copyright©2009. La Lettre de Léosthène. Tous droits réservés.

Publié dans Politique

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T
<br /> LE CACAPITALISME?<br /> <br /> <br />
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P
<br /> Barff, si le capitalisme n'a plus la côte, ils trouveront un autre nom mais le résultat sera le même<br /> <br /> <br />
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