LE MINISTRE SOCIALISTE BESSON VEUT POUVOIR EXPULSER TRANQUILLEMENT
Société - le 10 Septembre 2010
Le Parlement européen a demandé hier à la France de « suspendre les expulsions de Roms ». Loin d’obtempérer, Éric Besson défend son projet de loi pour expulser davantage.
Le Parlement européen a sèchement taclé, hier, la politique française d’expulsion des Roms. Dans une résolution adoptée par 337 voix contre 245, Strasbourg demande à la France de « suspendre immédiatement toutes les expulsions de Roms ». Le Parlement « s’inquiète vivement de la rhétorique provocatrice et ouvertement discriminatoire » qui « donne de la crédibilité à des propos racistes et aux agissements de groupes d’extrême droite ». Un rappel à l’ordre sévère qui, s’il n’a aucune valeur contraignante, est politiquement embarrassant pour Paris.
Depuis la Roumanie, Éric Besson a immédiatement réagi : « Il n’est pas question que la France suspende les reconduites dans les pays d’origine, qu’il s’agisse d’ailleurs de Roumains, de Bulgares ou de tout autre ressortissant », a déclaré le ministre de l’Immigration, ajoutant que le gouvernement français n’avait pas à se soumettre « à un diktat politique ».
Loin d’arrêter les reconduites à la frontière, le ministre de l’Immigration s’organise au contraire pour en augmenter significativement le nombre. Mercredi, devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale, il a présenté son projet de loi qui doit être discuté le 27 septembre. Au programme, un seul et unique objectif : expulser plus. Car le ministre a sorti sa calculatrice : « Sur 96 109 ressortissants étrangers en situation irrégulière interpellés en 2009 en France métropolitaine, 85 101 ont fait l’objet d’une décision d’éloignement. Et 29 288 seulement ont été effectivement reconduits dans leur pays d’origine. » Résultat : « Le taux d’échec des décisions d’éloignement dépasse 75 %. » Bref, le compte n’y est pas.
Le ministre a donc exposé, devant les députés, les mesures inscrites dans son projet de loi visant à « améliorer l’efficacité des procédures d’éloignement » : renforcement du rôle du juge administratif aux dépens du juge des libertés et de la détention, allongement de la durée de rétention de 32 à 45 jours et création de zones d’attente ad hoc en cas d’« afflux d’étrangers en situation irrégulière en dehors des points de passage frontaliers ». Autre mesure phare, la transposition dans le droit français de la directive dite retour, qui ouvre la possibilité d’assortir une décision d’éloignement d’une « interdiction de retour sur l’ensemble du territoire européen » d’une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans.
Une loi « dramatique à bien des égards », selon Jean-Paul Nunez, pasteur montpelliérain qui a lancé mercredi, avec huit autres militants un « jeûne citoyen » de dix jours devant l’Assemblée nationale. « Ce n’est pas un chantage, précise ce délégué national de la Cimade. On en appelle à l’humanité des députés pour qu’ils ne votent pas une loi irréparable. »
Marie Barbier