PARIS : JEUDI NOIR REQUISITIONNE UN NOUVEL IMMEUBLE A DEUX PAS DE L'ELYSEE

Publié le par Tourtaux

  Jeudi Noir réquisitionne un nouvel immeuble à deux pas de l'Elysée

07/01/2011 | 05H56
Crédits photo:  Geoffrey Le Guilcher.

Prospection, constat d’huissier, emménagement de nuit... C’est tout le savoir-faire de Jeudi Noir qui va permettre au collectif luttant contre le mal-logement d’annoncer aujourd’hui l’occupation d’un immeuble vide de 4000 mètres carrés, avenue Matignon. Dans la confidence depuis mercredi, les Inrocks.com reviennent sur cette opération jonglant avec la légalité.

Rendez-vous était fixé mercredi dernier au café Miro, métro Miromesnil. Prière de ne pas parler trop fort en buvant le café de 8h30 à côté du flipper. Il s’agit de ne pas éveiller l’attention en attendant l’arrivée des confrères du Parisien, de Rue89 (seuls médias avertis avec les Inrocks.com) ainsi que de Julien Bayou, conseiller Europe écologie et figure médiatique de Jeudi Noir, collectif chasseur de logements inoccupés.

"J’espère qu’ils ne vont pas trop tarder, que l’on puisse entrer dans l’immeuble tant qu’il n’y a pas trop de monde dans la rue", confie méfiant Simon Cottin-Marx, chômeur estampillé Jeudi Noir.  

Gendarmes et CRS n'ont rien remarqué

De la discrétion, il en a fallu aux militants du collectif pour arriver jusqu’à la conférence de presse qui se tiendra aujourd’hui, à 9h. Dix jours "en sous-marin" dans leur nouvelle prise : un édifice noir, situé –excusez du peu– avenue Matignon, quasiment face à l’ambassade d’Israël et à deux cents mètres de l’Elysée. D’un bout à l’autre du pavé, des gendarmes et des CRS font en permanence le pied de grue. Ils n’ont rien remarqué. Dur d’imaginer la présence de squatters dans "ce quartier sans épicier", dixit un militant. 

Pourtant, au sein des huit étages et des quelque 4000 mètres carrés habitables, une quinzaine de militants de Jeudi Noir et les premiers "locataires" sont déjà installés. Ils dorment principalement au dernier étage, par souci de discrétion, pour n’avoir qu’un étage à chauffer et probablement pour admirer la vue panoramique sur la capitale.  

 

Le collectif commence à être rodé

Depuis sa création en 2006, Jeudi Noir, comme les autres collectifs de mal-logés tels le DAL ou Macaq, réclame l’application de l’ordonnance de réquisition des logements vides émise en 1945 par le Conseil national de la Résistance (CNR). Les militants affirment que dans l’agglomération parisienne, il y aurait 11% de logements vacants. L’Insee – tout en reconnaissant la difficulté de l’exercice – évaluait cette vacance en 2006, sur le même territoire, à 8,3%. 

De plus en plus rodé depuis l’expérience de "la Marquise" place des Vosges –qui a duré près d’un an et a entraîné une condamnation de 80 000 euros d’indemnités pour les ex-occupants– le collectif a soigneusement choisi ses nouvelles pénates "parmi une liste de quelque 200 lieux inoccupés sur la région parisienne", précise Simon Cottin-Marx.  

"Le problème, c’est que 80% des plans sont soit gardés par des vigiles, soit trop sécurisés, ou alors ils ne remplissent pas les conditions qui nous permettraient de tenir un certain temps."

Un immeuble inoccupé depuis 2006

Avenue Matignon, c’est l’oiseau rare. L’immeuble est doublement symbolique : il appartient à une grande compagnie d’assurance (Axa) et, cerise sur les locaux, l’emplacement jouxte des lieux de pouvoir. 

Julien Bayou se souvient de la découverte du bâtiment. 

"Nous l’avons repéré au mois de mai 2010, la porte d’entrée était ouverte [ce qui permet au collectif d’affirmer qu’il n’y a pas eu effraction]. Nous avons constaté qu’il devait être inoccupé depuis environ 2006, dernière date de contrôle indiquée sur les extincteurs."

Une fois la cible validée, une live box a été commandée, des matelas amenés de nuit par camion, puis les pièces de chaque étage ont été distribuées aux mal-logés inscrits sur la liste d’attente de Jeudi Noir.  

Dernière précaution : éviter le délit dit "de flagrance". Si la police considère que les occupants viennent d'investir les lieu, elle peut s’auto-saisir et se passer de la procédure judiciaire. En d’autres termes, pénétrer et évacuer tout le monde manu militari. La solution choisie par Jeudi Noir : un constat d’huissier, réalisé lundi dernier, pour prouver que les lieux sont bien occupés depuis quelques jours.

Contacté par les Inrocks.com, un avocat spécialiste du droit immobilier juge le procédé du collectif "bringuebalant du point de vue légal".  

"Dans ce genre de dossier, c’est davantage le contexte politique qui va jouer que le droit pénal. Si les policiers décident de constater la flagrance, ni le constat d’huissier ni personne ne pourra les en empêcher." 

La partie médiatique peut désormais commencer. Pas certain que la guerre de Troie judiciaire souhaitée par Jeudi Noir ait bien lieu.

Geoffrey Le Guilcher

http://www.lesinrocks.com/actualite/actu-article/t/57381/date/2011/01/07/article/jeudi-noir-requisitionne-un-nouvel-immeuble-a-deux-pas-de-lelysee/

Publié dans Politique

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