66ème ANNIVERSAIRE DE LA LIBERATION DE L'ITALIE DU FASCISME ET DU NAZISME : PLUS QUE JAMAIS, L'EXIGENCE DE LA RECONSTRUCTION DU PARTI COMMUNISTE ITALIEN

Publié le par Tourtaux

25 aprile prc pdciSans répit, reconstruire le Parti communiste

 

par Francesco Maringiò, pour l'Ernesto (courant marxiste dans Refondation communiste)

 

 

Traduction AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

 

Depuis plusieurs années, le 25 avril prend de plus en plus une signification toute particulière. La chape asphyxiante qui au cours des 15-20 dernières années est tombée sur notre pays, déformant les valeurs qui sont nées de la lutte anti-fasciste, impose à tout démocrate sincère de régler ses comptes avec une nation désormais transfigurée dans sa propre histoire, sa culture et ses valeurs. Nous sommes gouvernés, maintenant depuis 15 ans, par un Président du Conseil qui n'a jamais ressenti l'exigence de commémorer la Résistance et le 25 avril, paradigme de notre éloignement des valeurs fondatrices de notre République celles qui, depuis 1945, ont mené à l'écriture de la Constitution tout d'abord puis à la vie démocratique marquée profondément par les conquêtes du mouvement ouvrier.

 

Mais nous ne devons pas non plus oublier, dans la juste dénonciation du berlusconisme et du nouveau squadrisme d'Etat, la contribution néfaste des hommes et des courants provenant des rangs démocrates et de la gauche, qui ont dédouané un révisionnisme historique aussi subtile que dangereux. Dans son intervention d'investiture à la troisième charge de l'Etat (1996), Luciano Violante, alors au PDS (Parti démocratique de la gauche) a senti le « besoin de comprendre les motivations des Républicains de Salo » et de souhaiter une pacification nationale. Et il y en eut tellement, au cours des années, des initiatives culturelles, éditoriales et politiques destinées à appuyer cette thèse et à comprendre, si ce n'est compatir, « le sang des vaincus ». Tout cela n'a fait que déchirer le drapeau d'une nation qui, justement dans la lutte partisane contre l'occupant allemand et le fascisme, retrouvait au contraire sa dimension universelle et constituait la base idéale pour la reconstruction, morale également, du pays.

 

Qu'une chape de plomb révisionniste ait enveloppé l'Italie, cela peut se voir aux actions qui ont précédé les célébrations du 25 avril cette année : en Lombardie ont été brûlées les couronnes et les bouquets sur les stèles en hommage aux partisans ; en Vénétie, a été distribué par les militants de la Ligue du nord un opuscule qui réalise une révision grossière de toute l'histoire nationale, raillant le rôle du 25 avril réduit au « jour de St-Marc » ; à Rome sont apparus, comme désormais cela est coutume, des affiches fascistes et dans plusieurs villes les dirigeants des forces gouvernementales ont déserté les célébrations officielles. A Bologne, ville médaille d'or pour la Résistance, le PDL demande que l'on « enquête sur les massacres commis par les partisans » et que l'on arrête avec cette « mythologie de la Résistance ». Pour le dirigeant local, on devrait au contraire fêter le 18 avril 1948 parce que cela représenterait « la véritable fête unificatrice de notre pays, qui avec la victoire électorale de la Démocratie chrétienne et de ses alliés a permis à l'Italie de consolider la démocratie en la libérant de la menace du communisme. »

 

Ce n'est pas que dans le reste de l'Europe la situation soit meilleure : dans les Républiques baltes, le révisionnisme et la culture nazie sont pleinement dédouanées (en Lettonie par exemple a été constitué un musée de l'occupation 'soviétique et nazie' et dans les rues de la capitale, tous les 16 mars, a lieu un défilé qui célèbre les actions des légionnaires lettons qui ont combattu dans les rangs des Waffen-SS nazis) et dans les pays de l'Est, la persécution est forte vis-à-vis des communistes et de leurs organisations (en Pologne ceux qui possèdent ou déploient un drapeau rouge risque la prison ; en Hongrie a été menée une attaque contre le Parti communiste ouvrier de Hongrie – MUNKASPART – héritier du Parti ouvrier socialiste de Hongrie et en République tchèque, où est en vigueur la Lustrace, la loi sur l'épuration des anciens communistes, on a déjà tenté de mettre hors-la-loi la Jeunesse communiste KSM et désormais également le Parti communiste de Bohême-Moravie KSCM). Ils oublient d'un coup d'un seul, ces mouvements et partis politiques à forte composante russophobe, qui dans la lutte contre le nazisme a payé le plus fort tribut du sang (20 millions de morts, la moitié d'entre eux furent des civils ou prisonniers de guerre, tués et torturés par les nazis dans les territoires soviétiques occupés) et que c'est seulement grâce à la résistance à l'invasion nazie d'abord (commencée le 21 juin 1941), la Bataille de Stalingrad ensuite (été 1942 – 2 février 1943) et encore à l'offensive hivernale et estivale de 1944 et enfin à la victoire de Berlin en 1945 avec la défaite des armées allemandes et la signature de la reddition inconditionnelle de l'Allemagne (le 8 mai 1945, dans le quartier-général du maréchal Zhukov à Berlin) que furent posées les bases tout d'abord pour le développement des mouvements partisans en Europe et ensuite pour la libération des camps d'extermination, la victoire contre le nazisme et la libération des pays européens de l'occupation et de la dictature.

 

Et seuls ceux qui ne veulent pas voir la spirale noire qui entoure le vieux continent et le fait plonger économiquement et culturellement, ne sont pas mesure de saisir le lien qu'il y a entre la propagation des mouvements néo-nazis et l'éclosion des « petites patries » (qui se définissent elles-mêmes avec une forte identité ethnique, religieuse, localiste...), avec le levain culturel qui a nourri cette Union européenne: une pâte, entre autres, de libéralisme, de technocratie, de monétarisme et de révisionnisme. Il existe un fil noir qui relie le développement des mouvements néo-nazis avec l'enracinement d'une sous-culture raciste et xénophobe (avec des accents caractéristiques d'islamophobie) et la résolution 1481 du Conseil de l'Europe, adoptée le 25 janvier 2006, sur la « nécessité d'une condamnation internationale des crimes du communisme », dans laquelle une institution de l'Union européenne avalise culturellement le front extrême du révisionnisme : la mise sur un pied d'égalité du nazisme et du communisme (et donc entre les artisans des camps d'extermination et ceux qui les ont libéré).

 

Cette opération devient de plus en plus forte et entêtée que les dynamiques internationales poussent cette partie du monde « à la périphérie », lui retirant la centralité que pendant des siècles les entreprises coloniales et les guerres impérialistes lui avaient donné. Mais justement ces conditions changeantes dessinent un monde qui s'émancipe du consensus de Washington et dans de grandes parties du monde sont expérimentées des formes de coopération et de collaboration politique opposées au modèle néo-libéral (ALBA, OCS, BRICS...) créant ainsi les conditions pour que les peuples et les organisations qui vivent sous la chape de plomb du capitalisme sauvage et du révisionnisme dominant, soient capables d'indiquer une alternative de société et de lutter pour la réaliser.

 

C'est une nouvelle résistance que nous sommes appelés à mener, pour une période tout sauf brève, dans toute l'Europe et en Italie en particulier. Ici, par rapport aux autres pays d'Europe occidentale, nous touchons le fond du point de vue du respect des règles démocratiques, avec un Gouvernement sciemment engagé à déformer les règles et les principes démocratiques dans le sens de desseins subversifs et réactionnaires qui rappellent le « plan de renaissance démocratique » de la Loge P2, plus que les axes de la Constitution républicaine. Dans cette bataille, la reconstruction d'un camp démocratique qui fasse barrage à la désolation et à l'offensive (politique et de classe), s'impose dans toute sa dramatique actualité. Cela ne peut se produire seulement si on est capable de construire un front social et politique en état de mobiliser les hommes et les femmes en chair et en os sur des batailles fondamentales qui fassent vivre les articles de notre Constitution, et donc ses principes fondamentaux et la défense des droits des travailleurs et des travailleuses (car il n'y a pas de démocratie dans un pays, si celle-ci n'est pas capable de franchir les portes des usines). En ce sens, la constitution des comités de défense des biens communs (à partir de l'eau publique), la préparation de la grève du 6 mai prochain et les tentatives de construction d'un vaste mouvement contre la guerre en Libye, représentent des casemates fondamentales d'un travail politique, social, culturel et de masse sur le long-terme.

 

Aujourd'hui plus que jamais, nous ressentons fortement l'absence dans notre pays d'un Parti communiste fort, capable non seulement d'être la force d'impulsion d'un conflit de classe de haut niveau, mais surtout en mesure de devenir la force motrice de ce que Gramsci appelait la « réforme morale et intellectuelle du pays ». Notre parcours doit partir d'ici, de la conscience que la route sera longue, mais de la détermination que c'est la seule voie possible. Si au départ de Berlusconi nous voulons associer la liquidation du berlusconisme, si à la construction de la démocratie (dans et hors des lieux de travail) nous voulons conjuguer la lutte contre de nouvelles formes de fascisme, de racisme et de révisionnisme, alors est nécessaire une bataille que historiquement, les communistes ont fait leur à divers moments-charnières difficiles de l'histoire. Pour cette raison, nous croyons qu'en Italie les communistes doivent travailler pour s'unir, inversant non seulement la « malédiction de la division » qui semble avoir rendue malade la gauche dans ce pays, mais surtout le processus de fragmentation de la classe ouvrière (des nouveaux travailleurs exploités par le capital, en usine comme dans les call center, dans les laboratoires de recherche comme dans les champs qui pullulent d'immigrés) et de sa représentation politique. Et il est nécessaire de l'inverser tout de suite cette tendance, car il n'y a plus de temps à perdre. Et pour pouvoir faire cela, il devient de plus en plus nécessaire de sortir de la dynamique auto-référentielle qui voit le parcours unitaire comme une phase tout simplement de fusion, minimale, qui relève plus du monde de l'algèbre (la somme de ce qui existe déjà) que de la nécessaire révolution de ce qui existe et du lancement d'une phase ouvrant une nouvelle page de l'histoire du mouvement communiste dans notre pays.

 

Reconstruire le Parti communiste c'est, dans le même temps, l'objectif de notre travail et le chemin à parcourir, la théorie et la praxis de notre voie politique. Sort des presses, justement ces jours-ci, un livre qui s'efforce d'imposer une vaste et ambitieuse discussion sur les raisons de l'actualité du socialisme et sur la nécessité de la reconstruction du Parti. Les auteurs (Oliviero Diliberto, Vladimiro Giacchè, Fausto Sorini), qui représentent aussi de façon souple une unité entre des parcours différents, ont le mérite de nous soumettre un puissant effort collectif d'analyses et de réflexions politiques comme il n'y en eut pas depuis des années, voire des décennies (cf l'appel dont s'inspire le livre : Plus d'un millier de militants, dirigeants et sympathisants communistes italiens ont déjà signé l'appel pour la « reconstruction du Parti communiste italien »). Il suffit de lire la table des matières du livre pour se rendre compte de la richesse d'une contribution qui ne s'érige pas en réflexion dogmatique, mais au contraire se pose comme outil qui fonctionne pour renouer le fil de la recherche et de la réflexion qui ranime le sens d'une bataille des idées parmi les communistes de ce pays. Car c'est quand ceux-ci ont perdu la curiosité de l'enquête sur le monde et sur ce qui les entourait et la rigueur d'une discussion à travers laquelle renforcer et construire le parti lui-même, qu'ils ont fait fausse route et sont entrés en crise. A travers une analyse rigoureuse et l'usage d'un langage non spécialisé, le livre a le mérite de poser des questions de fond à chaque militant communiste, le poussant à la recherche et à la confrontation d'idées. Cela faisait des années que cela n'avait pas été fait, en théorisant même l'impossibilité d'une confrontation sur ces questions, sinon le risque de divisions (qui hélas se sont produites, pour des raisons exactement opposées), ou en tournant en ridicule les efforts pour parvenir à une unité idéologique et politique dans le groupe dirigeant d'un parti communiste, comme si l’expérience réalisée en ce sens par les cubains, les vietnamiens, les chinois, les indiens, les sud-africains, les grecs, les chypriotes, les portugais... représentait une variante erronée de l'histoire communiste, à laquelle on ne pouvait se comparer.

 

Déjà dans les prochaines semaines, en toute compatibilité avec une campagne électorale et référendaire dans laquelle chaque militant doit s'engager, seront organisées des présentations du libre et des tables rondes, comme autant d'occasions de discuter hors de la rhétorique unitaire des dernières années, mais plutôt en confrontant les projets, les idées, les analyses et les réflexions sur diverses questions. Conscients que la reconstruction du parti communiste est un projet de long-terme (il durera des années) et à étapes (et il sera important de voir comment les congrès imminents du PRC et du PdCI participeront à ce processus ou si on éludera le problème), ce livre représente une précieuse contribution en ce sens.

Publié dans Politique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article