AURORE MARTIN : LE COMBAT CONTINUE

Publié le par Tourtaux

Aurore Martin : Le combat continue

21/06/2011

Goizeder TABERNA

“Si aujourd’hui je suis ici, c’est grâce à toutes ces personnes qui m’ont aidée”. Après six mois de clandestinité, Aurore Martin a débuté son allocution avec une pensée pour tous les élus et les personnes qui l’ont hébergée. Samedi, à la Halle d’Iraty de Biarritz, cette vague de solidarité envers Aurore Martin s’est transformée en mouvement contre “la répression et l’imposition”.

Alors qu’elle risque l’application du mandat d’arrêt européen (MAE) dont elle fait l’objet en raison de son activité politique, la jeune militante de Batasuna est apparue devant près de 2000 personnes (d’après le nombre de verres vendus), épaulée sur scène par plus de 60 personnalités, locales et internationales.

Réunis au motif du meeting organisé contre les mandats d’arrêt européens et les lois d’exception, les participants ont plaidé pour l’amplification de ce mouvement qui a vu le jour avec son cas. Que ce soit la prise de parole, par vidéotransmission, de M. Tubiana (président de la Ligue des droits de l’homme), celle de la porte-parole du NPA, M. Martin, représentée par la militante locale M. Mailfert, celle de la sénatrice écologiste A. Boumediene ou du syndicaliste de l’Union générale des travailleurs guadeloupéens G. Clavier, toutes les interventions étaient un appel à l’accumulation des forces.

Représentant le Collectif contre le mandat d’arrêt européen, Anaiz Funosas a repris l’idée émise antérieurement par Aurore Martin, celle de la constitution d’un “rempart populaire qui stoppe la répression et l’imposition, qui obtienne la légalisation des partis, qui arrête les opérations policières et les tortures”. Un rempart qui protège les citoyens basques du “chantage”, des “traitements cruels”, de la dispersion et d’un grand et cetera.

Implication des Etats

“Le respect des droits civils et politiques des citoyens est fondamental dans la construction d’un processus de résolution démocratique du conflit”, a affirmé A. Funosas. “La sortie du conflit est possible”, a-t-elle poursuivi, “nous devons obtenir des deux Etats, une totale implication”. Aurore Martin situe sa réapparition dans ce contexte et affirme qu’elle “contribue au changement” politique que vit le Pays Basque ces derniers temps.

“On ne résout pas un conflit en usant de la répression”, a insisté Michel Tubiana, après avoir dénoncé les abus réalisés à travers les MAE. Il a défendu le fait de pouvoir “s’exprimer sans peur” et, par conséquence, “de décider de son avenir”. Il a enfin lancé un appel à la mobilisation “pour faire comprendre aux Etats que nos libertés ne se négocient pas”.

“Quand vais-je revenir libre à la maison ?”, ont demandé à deux voix les chanteurs Niko Etxart et Robert Larandaburu, reprenant un poème d’Etxahun Iruri. Aurore Martin n’a pas de réponse ; elle pense qu’elle va être remise aux autorités espagnoles, où elle risque une peine de prison maximale de douze ans. Mais la jeune femme “n’[a] pas peur de ce qui [l’]attend”. Elle risque de vivre “le même sort que 700 prisonniers politiques basques” à qui elle a rendu un hommage chaleureux.

Elle sait, cependant, qu’elle peut compter sur le soutien des plus de 152 signataires du Manifeste pour l’abrogation des législations d’exception, auxquels s’est ajouté vendredi la CFDT. Avant de laisser place au concert de Niko Etxart, d’Esne Beltza et de Piarres, les organisateurs de la journée ont demandé de rester vigilant sur les mobilisations à venir ; à tout moment, Aurore Martin peut être interpellée.

 Résolution du conflit : mode d’emploi

L’ample soutien dont Aurore Martin a bénéficié depuis le lancement du mandat d’arrêt européen (MAE) n’est pas la seule raison de son retour. “Les nouvelles conditions politiques” et le retour de l’espoir au Pays Basque l’ont encouragée à franchir le pas, et il n’était pas question pour les organisateurs de faire l’impasse sur la question.

Placées avant le meeting, deux conférences ont permis au public de comprendre les enjeux du dossier d’Aurore Martin. Celui du matin portait sur le MAE et les législations d’exception, et l’après-midi, un temps a été consacré à la résolution du conflit basque. Des sujets qui ont suscité un grand intérêt ; les salles prévues pour les tables rondes n’ont pas pu accueillir toutes les personnes présentes.

Le processus démocratique “n’est pas formellement en cours” a déclaré Xabi Larralde, le sujet a pourtant attiré un large public. Le représentant de Batasuna et participant aux négociations de Loiola envisage deux leviers pour entamer un processus démocratique, sans toutefois fermer la porte à d’autres scénarios. Le premier, la “stratégie souverainiste”, consisterait à ce que les abertzale arrivent au pouvoir et lancent une consultation. Le second s’appuierait sur un processus de négociation.

Dans tous les cas de figure, l’implication de l’Etat français est indispensable du fait de son rôle dans le conflit, selon X. Larralde. Le représentant de Batasuna a évoqué la possibilité de créer une eurorégion des sept provinces basques.

L’expérience de l’Irlande du Nord a apporté des éléments supplémentaires dans la compréhension de ce type de processus. La présence de Theresa Ruane, représentante du Sinn Féin, était là pour cela. “Négocier, négocier… compromis, compromis…”, tel était l’état d’esprit des acteurs du processus qui a mis l’Irlande sur les rails de la résolution. Theresa Ruane a également mis en avant l’absence de hiérarchie entre les victimes du conflit, le rôle des prisonniers dans cet exercice et celui de l’Union européenne et des Etats-Unis d’Amérique.

Quant à Véronique Dudouet, consultante de la Fondation Berghof (Allemagne), elle a expliqué qu’il était “naïf” de croire que des revendications peuvent disparaître à l’aide de la répression. Elle a aussi mis en garde : il n’y a pas de résolution durable sans implication de tous les acteurs. Enfin, elle a constaté en comparant neuf processus différents que le désarmement n’est pas un préalable à un processus démocratique. Elle a conclu son exposé en mettant l’accent sur “le besoin d’agir de manière solidaire et concertée au niveau international”.

 La presse espagnole, silencieuse sur la réapparition d’Aurore Martin

Malgré une dépêche publiée par les agences Reuters et Europa Press, les médias appartenant à des groupes de presse espagnols ne se sont pas intéressés au retour d’Aurore Martin. Alors qu’ils se sont souvent fait remarquer pour leur rapidité à informer sur la remise à l’Audience nationale de militants basques de nationalité espagnole, cette fois, seuls elmundo.es et El Correo ont brièvement rendu compte de l’événement. L’absence de journalistes espagnols pourrait expliquer cela.

En revanche, les organisateurs ont constaté la présence de tous les médias locaux ainsi qu’une équipe de télévision envoyée de Paris par France 3. La présence de LCI a également été signalée et Le Monde a publié un article le jour même. Les agences ssociated Press et Agence France Presse ont également couvert le meeting. Enfin, France Info et France Inter ont repris le reportage réalisé par le journaliste de France Bleu Pays Basque.

«Toutes les poursuites contre Aurore Martin doivent être abandonnées»

Sous le coup d’un mandat d’arrêt européen émis par Madrid, la militante basque française Aurore Martin se cachait depuis le mois de décembre. Elle est sortie de la clandestinité ce samedi 18 juin à Biarritz lors d'un meeting contre le mandat d'arrêt européen.

Xabi Larralde, 41 ans, porte-parole de Batasuna, réagit. Entretien     

Aurore Martin fait aujourd'hui figure de symbole. Qu'incarne-t-elle selon vous  ? Notamment concernant l'application des mandats d'arrêt européens?

Xabi Larralde : Aujourd’hui en Pays Basque, avec les mesures d’illégalisation qui frappent encore des mouvements politiques, des structures associatives, des centaines de personnes sont incarcérées, poursuivies, voire torturées pour le seul fait de leur militance politique publique… Aurore Martin est un des symboles de cette répression. Il faut savoir que ces dernières années la France a utilisé le mandat d’arrêt européen pour extrader vers l’Espagne des dizaines et des dizaines de ces militants recherchés par Madrid pour des faits de nature strictement politique.

Comment faut-il interpréter l'important soutien, hors celui de la gauche abertzale, dont elle bénéficie?

Xabi Larralde : Avec Aurore Martin ce serait la première fois que la France extraderait ce qu’elle considère être une de ses «ressortissantes» vers l’Espagne au titre d’un militance politique légale au regard des lois de la République. Je crois qu’à l’unanimité l’opinion publique pense que c’est une décision tout à fait scandaleuse qui foule au pied des droits aussi importants que le droit d’association, la liberté d’expression.
Que vous inspire le résultat des listes de gauche abertzale lors des dernières élections municipales en Espagne ?

Xabi Larralde : La coalition Bildu a obtenu 22% des suffrages et se positionne comme la seconde force politique. Cela montre que notre projet indépendantiste de gauche, loin d’être marginal, est soutenu par une partie importante de l’électorat. Si on ajoute à cela les scores du PNV (nationalistes chrétiens-démocrates), la revendication d’un Pays Basque souverain apparaît comme étant soutenue par une large majorité des électeurs. Les tenants de l’unité de l’Espagne (PP et PSOE) sont minoritaires. C’est là que se situe le cœur du conflit politique en Pays Basque: une minorité impose le statu-quo et la négation de droits fondamentaux tels que celui de ses habitants à décider librement du type de statut politique dont ils désireraient se doter.
Au regard de ces résultats, que pensez-vous de la politique répressive menée contre Batasuna en Espagne ?

Xabi Larralde :
Ces résultats mettent en exergue la réalité du panorama politique basque et les racines d’un conflit politique qui sévit encore. En début d’année, l’ETA a décrété une trêve unilatérale et vérifiable. Nous-mêmes, Batasuna, nous nous sommes fermement engagés en faveur d’un processus strictement politique de dépassement du conflit. La balle est dans le camp des Etats espagnols et français: ils doivent poser les pas nécessaires au développement d’un processus démocratique de résolution du conflit. A court terme, cela suppose évidemment que toutes les options politiques puissent s’exprimer en totale liberté… A terme, cela impliquera également un accord politique concernant un droit démocratique des plus fondamentaux: celui des habitants du Pays Basque à décider librement de leur avenir politique et institutionnel.
Aurore Martin est poursuivi pour des actes de prise de parole lors d'un meeting pour lesquels elle ne serait pas inquiétée en France. Que pensez-vous de la position de la France dans la résolution du conflit au pays basque ?

Xabi Larralde : Un processus de résolution définitive du conflit est impossible sans la pleine participation de l’Etat français. Car celui-ci est d’abord partie prenante des expressions violentes du conflit. Un exemple: il y a aujourd’hui plus de 150 basques emprisonnés en France. Second exemple: un des derniers faits de «guerre sale» concerne l’enlèvement et la mort de Jon Anza, un militant de l’ETA dont on suppose qu’il est décédé des suites des tortures qu’il a subies. Cela c’est passé entre Bayonne et Toulouse, et nous considérons que les autorités françaises ont une lourde responsabilité dans cette affaire,… comme dans un certain nombre d’autres... Mais surtout, l’Etat français est partie prenant des causes du conflit : une partie du Pays Basque est sous son administration et ne bénéficie d’aucune reconnaissance politique ou culturelle. A telle enseigne que dans son dernier rapport sur la France, la commission des droits de l’Homme de l’ONU a dénoncé une position de négation totale des minorités nationales contraire au respect des droits de l’Homme et aux textes internationaux.

Aujourd'hui, à quelle réaction vous attendez vous de Madrid concernant Aurore Martin ?
Xabi Larralde : Les pratiques de la justice espagnole ressemblent tellement à celles d’une république bananière que l’on ne peut jamais présager de ses décisions… En l’occurrence, au regard des droits fondamentaux et de la situation politique actuelle, nous considérons que toutes les poursuites dont Aurore Martin fait l'objet devraient être abandonnées.

 

 

Publié dans Lutte des classes

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T
<br /> Je viens à l'instant de publier un article dénonçant la tentative d'arrestation d'Aurore par les gendarmes qui ont échoué parce qu'une cinquantaine d'habitants s'y sont opposés.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> SOLIDARITE AVEC TON COURAGEUX COMBAT AURORE LA BASQUE.<br /> <br /> <br />
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