LOUIS DENGHIEN : LES PETRO-MONARCHIES REDOUTENT LA REVOLTE BAHREINIE

Publié le par Tourtaux

Et pendant ce temps-là au Bahrein…

 

Par Louis Denghien, le 17 février 2012 
  


Manama, le 14 février... Le Bahrein est une bombe à retardement (à allumage chiite) pour les pétro-monarchies

La révolte bahreinie « fête » ces jours-ci son premier anniversaire. Par de nouvelles manifestations. Mardi 14 février, plusieurs milliers d’opposants chiites au gouvernement et au roi sunnites avaient tenté de se rassembler sur la place de la Perle à Manama, place Tahrir locale où s’était cristallisée la révolte de la minorité chiite voici un an. Les opposants avaient diffusé le mot d’ordre sur internet.  Cette fois, le déploiement des forces de l’ordre était tel que les chiites ont dû renoncer à cet objectif, se repliant aux abords des quartiers ou des villages de la périphérie de Manama, en petits rassemblements fragmentés et dispersés par les forces de l’ordre.

Mais de nouveaux troubles sont intervenus jeudi 16, dans différentes localités. A Sar, les policiers ont dispersé des groupes d’adolescents, tandis que des adultes criaient des slogans religieux. Ca et là, des manifestants ont jeté des cocktails Molotov contre les policiers, qui déploreraient deux blessés graves à Sitra. Selon un médecin, 120 personnes auraient été blessées dans les troubles depuis le début de cette semaine.

D’un printemps à l’autre…

On sait que la révolte bahreinie – la « révolution de la perle » – avait suffisamment inquiété le régime et son puissant protecteur et voisin séoudien pour que des moyens militaires conséquents soit employés, avec notamment des troupes dépêchées par Ryad. Qui, si l’on en croit Jean-Paul Burdy, maître de conférences d’histoire à l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, interrogé par le site Atlantico, sont restées pour certaines d’entre elles stationnées à Manama.

La répression du printemps de la Perle avait provisoirement calmé les ardeurs de la majorité chiite – 70% environ des 700 000 de citoyens du Bahrein (d’autres sources parlent d’un million d’habitants, en comptant sans doute les immigrés). Mais la contestation est repartie de plus belle à la toute fin de l’année dernière, avec des manifestation dans les principales villes du royaume. Manifestation à nouveau fermement réprimées. Ce qui n’a pas empêché une nouvelle vague de protestation, le 24 janvier dernier, qui a touché les villes de Duraz, Sanabis, Dair et al-Ekr, – et dans la périphérie de Manama – et fait selon un bilan officiel une quarantaine de blessés parmi les policiers.

A vrai dire, et en dépit de la surveillance de Ryad, les conditions sociales et démographiques du royaume étant ce qu’elles sont, on ne voit pas comment le roi Hamad ben Issa al-Khalifa et son oncle de Premier ministre, Khalifa ben Salman al-Khalifa, pourraient ne pas « lâcher du lest » tôt ou tard, et ouvrir vraiment la vie politique à la « minorité majoritaire » chiite, représentée notamment par le parti – autorisé – al-Wefaq. Il est vrai que la situation géostratégique du royaume, pour l’essentiel une île de 600 et quelques kilomètres carrés, proche du littoral séoudien mais face à l’Iran, peut permette au régime semi-autocratique sunnite une certaine impunité, tant la région est devenue sensible en ces temps de confrontation entre Téhéran d’une part, et Washington et ses alliés du Golfe d’autre part. Bahrein, au fait, abrite une base navale de la Ve flotte américaine. Le gouvernement bahreini a d’ailleurs dénoncé la main de l’Iran dans les troubles actuels – et il est très possible que la République islamique joue cette carte-là pour affaiblir les pétro-monarchies pro-américaines du Conseil de coopération du Golfe. Même si une commission d’enquête internationale a conclu, en novembre dernier, qu’il n’existait « aucun élément probant » quant à une responsabilité iranienne dans les troubles de février-mars 2011.

Mais le régime vit sur un volcan : les chiites sont en état de dissidence d’avec l’Etat, un Etat qui a fait d’eux des citoyens de seconde zone, et se méfie assez d’eux pour leur interdire l’entrée dans la police et l’armée, préférent recruter parmi les immigrés pakistanais, yéménites ou irakiens, qui présentent l’avantage d’être sunnites !

Et ce n’est pas l’attitude du clan entourant le roi – regroupé autour de son oncle – que Jean-Paul Burdy définit comme des partisans du tout-répressif, très proches des Séoudiens, et appuyés par la majorité des sunnites locaux, qui va calmer le jeu. D’autre part, le parti al-Wafeq, qui présente des revendications modérées – encore que révolutionnaires dans ce contexte – telles que l’instauration d’une monarchie constitutionnelle et une meilleure représentation des chiites dans la vie politique, est débordée par une jeunesse radicalisée, et galvanisée par la proximité géographique et religieuse de l’Iran. Et l’Arabie Séoudite, qui se sait menacée, en deuxième ligne, par la contestation au Bahrein, ne pousse pas au dialogue non plus : le royaume wahhabite est relié au Bahrein par une digue routière de 25 kilomètres, et un certain nombre de districts séoudiens proches de l’île, et les plus riches en réserves de pétrole, sont à majorité chiite eux aussi. Pour Ryad, le Bahrein est une bombe à retardement.

Dégradation annoncée

S’il n’y avait que le roi Hamad, la tension baisserait certainement : il est plutôt un partisan du dialogue – c’est notamment lui qui a convoqué la commission internationale d’enquête. Mais il est décidément dépassé par des enjeux régionaux considérables : Washington surveille de près la situation, et encourage les contacts entre al-Wefaq et le roi. Mais il est bien tard déjà, la frustration chiite s’enracinant dans le passé, au moins depuis les années 90, avec une montée en puissance en 2010.

Interrogé sur son pronostic quant à l’avenir du royaume, Jean-Paul Burdy répond que « l’absence de toute perspective politique et sociale radicalise une partie de la jeunesse chiite« , qui glisse vers la guérilla urbaine, suscitant en retour une crispation de la minorité sunnite. Et Burdy pointe des signes révélateurs, comme les actuels transferts de capitaux et d’activités des principaux acteurs économiques du royaume vers l’émirat voisin de Dubaï. Quant à Georges Malbrunot, du Figaro, il décrit sur son blog une situation bloquée entre des chiites exaspérés et un régime crispé sur ses prérogatives séculaires : les sunnites s’arment, de jeunes chiites provoquent chaque nuit la police, tandis que les différents partis chiites refusent de participer à la « Commission du dialogue national » mise en place par les autorités.

Bref, les pétro-monarchies acharnées à déstabiliser la Syrie laïque et alliée de l’Iran risquent de voir s’ouvrir un front intérieur des plus périlleux. L’arroseur arrosé, en quelque sorte…

 

http://www.infosyrie.fr/re-information/et-pendant-ce-temps-la-au-bahrein/ 

Publié dans Syrie

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T
C'est tout de même dommage de voir ce mouvement partir sur de telles positions. Cela fait un bail que je ne le publie plus, m'ayant rendu compte de certaines dérives. J'ai des camarades qui y<br /> militent, cela ne doit pas être facile pour eux.
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P
que ce "responsable" ose le traduire en "justice".<br /> <br /> <br /> L'intérêt d'un procès politique est justement de donner une tribune politique<br /> <br /> La tartufferie de ces positions sera dévoilée au grand jour<br /> <br /> Je parie de ce "responsable" va donc s'écraser mollement, ce n'est que de l'intimidation, puisqu'il ne répond pas sur le fond
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P
encore un exemple de la propagande<br /> <br /> le mouvement de paix qui appelait aussi à la manifestation du 11 février, écrit<br /> <br /> "Saluons le courage des journalistes syriens et étrangers qui, munis de leur téléphones, continuent encore, et de ceux qui ont perdu la vie. Rendons hommage au journaliste Gilles Jacquier, épris de<br /> libre expression et victime des ennemis de la liberté de parole le 11 janvier 2012."<br /> <br /> <br /> Or, le rapport des émissaires de la Ligue Arabe dit clairement que Gilles Jacquier a été assassiné par les "rebelles" soit disant "pacifiques"<br /> <br /> le mouvement de la paix, se faisant le relai des impérialistes, ose écrire "principalement pacifique" à propos des rebelles, alors que même la presse occidentale dit qu'ils disposent d'armes<br /> lourdes et que la "rébellion" est très bien armée<br /> <br /> <br /> La seule chose positive, mais contradictoire avec la manifestation du 11, est que le mouvement pour la paix appellait à une solution interne, politique et pacifique<br /> <br /> "Aujourd’hui nous sommes très inquiets des risques d’instrumentalisation internationale, de militarisation et de guerre civile.<br /> <br /> Le Mouvement de la Paix écoute avec attention les mouvements de résistance syriens, notamment de l’intérieur, lorsqu’ils disent que la militarisation de la situation contribuerait à priver le<br /> peuple syrien de sa révolution, et lorsqu’ils appellent à négocier une issue politique avec l’ensemble des composantes du pays.<br /> <br /> Dans ce contexte le Mouvement de la Paix s’oppose à toute intervention militaire.<br /> <br /> Pour le Mouvement de la Paix, la guerre et la violence ne résolvent rien mais accroissent les souffrances des populations. Le plus souvent les interventions militaires sont motivées par des<br /> intérêts économiques et géostratégiques, éloignées des intérêts des peuples. On le constate en Afghanistan, en Irak, en Libye.<br /> <br /> La France et la communauté internationale doivent agir d’urgence et avec fermeté pour faire cesser les massacres et pour favoriser une solution politique négociée dans le cadre de l’ONU. Cette<br /> solution doit permettre au peuple syrien de décider démocratiquement de son avenir."
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T
<br /> <br /> LE MOUVEMENT DE LA PAIX A FAIT L'OBJET D'UNE LETTRE OUVERTE AU RESPONSABLE DE SA REVUE PAR NOTRE CAMARADE JEAN-FRANCOIS AUTIER QUE J'AI PUBLIEE ET QUI M'A VALU UN COMMENTAIRE  D'UN DE SES<br /> DIRIGEANTS ME DEMANDANT DES EXPLICATIONS SUR LE CONTENU DE LA LETTRE DU CAMARADE QUE J'AI AUSSITOT ALERTE. Jean-François est revenu réitérer son désaccord avec le Mouvement de la Paix.<br /> <br /> <br /> J'ai très récemment publié un nouvel écrit de notre camarade sur ce sujet. Il dit que le responsable national de ce Mouvement, qui n'a plus de paix que le nom, va le traduire en justice.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
P
le communiqué de l'intersyndicale appelant à la guerre impérialiste en syrie montre ici la désinformation qu'il propageait<br /> <br /> <br /> En effet, entre autre, ce communiqué prétendait qu'il y avait eu "révolution" en Libie, alors que cette "révolution" a été un tapis de bombes, des mercenaires pour commettre un coup d'Etat contre<br /> un dirigeant qui déplaisait, faire main basse sur les ressources énergétiques<br /> <br /> Comble de l'hypocrisie, ce communiqué prétendait qu'il y avait eu une "révolution" au Bahrein, alors que l'Arabie Saoudite, la Quatar ont étouffé la révolte dans le sang !<br /> <br /> Cet article sur la situation au Bahrein montre ce qu'il en est de ce communiqué honteux, invraisemblable !<br /> <br /> <br /> On attendra longtemps un communiqué de cette "intersyndicale" appelant à sauver la population du Bahrein !!!!
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T
<br /> <br /> Comme c'est parti, l'intersyndicale corrompue, n'hésitera pas à remettre le couvert si l'occasion se présente pour un ou d'autres pays convoités par des milliardaires assoissés de pétrole et de<br /> profits.<br /> <br /> <br /> Ces directions syndicales se sont déshonorées en faisant fi du peuple syrien qui n'a pas besoin d'ingérences étrangères pour régler ses problèmes.<br /> <br /> <br /> Le communiqué est toujours sur le site de notre confédération qui se moque royalement de l'opinion de ses syndiqués.<br /> <br /> <br /> <br />