OU VA LA CGT : LE NON ENJEU ET LES ENJEUX CACHES DU 18 MARS...

Publié le par Tourtaux

Dimanche 16 mars 2014


Le non enjeu et les enjeux cachés du 18 mars...

 

Plusieurs lecteurs de ce blog nous ont interpellés (avec véhémence !) sur notre silence autour de la mobilisation pour le 18 mars.

Outre la surcharge par ailleurs des militants qui animent le blog (rappelons que ce ne sont pas « seulement » des militants de la CGT…) ce silence vient de notre doute sur la réalité de l’enjeu de cette journée. Nous avons donc attendu pour voir ce qu’il remontait, et nous publions donc aujourd’hui ce point de vue, après enquête.

 

Bref rappel historique de cette journée

Quoiqu’on cherche à en dire en interne dans la CGT (une supposée journée prévue par la fédération de la santé), c’est bien FO qui a lancé l’initiative d’une journée nationale d’action sur le thème de la protection sociale, à la veille des municipales.

La CGT s’est de fait opposée à cette journée (unanimité du bureau confédéral, quand même…) pour plusieurs raisons, dont le souhait implicite mais très audible de ne pas mettre en porte à faux les partis de gauche à la veille d’élections délicates.

Pourtant la CGT n’a pas manqué de virulence (justifiée !!!) contre le pacte de responsabilité proposé par Hollande au MEDEF avec l’appui de la CFDT et de la CGC. Pourtant, la CGT n’avait pas hésité une seconde à lancer seule une journée d’action, le 6 février, qui a quand même fait un gros flop – toujours quoiqu’en dise la Confédération, qui n’est pas avare de communiqués triomphants.

 

C’est dans ce contexte que se tient le CCN des 11 et 12 février, qui est orageux, c’est le moins qu’on puisse dire. Un premier vote majoritaire confirme le refus du Bureau Confédéral d’appeler à cette journée. Après des manœuvres dignes de la succession de Bernard Thibault (« La succession de Bernard Thibault : la CGT telle qu’elle est »), un nouveau vote décide la participation à une courte majorité…

Dans la foulée, il apparait que Valérie Lesage, membre du Bureau Confédéral, se serait livrée à une attaque en règle contre la direction confédérale et Thierry Lepaon :

« La question de la stratégie de la CGT a fait l'objet d'un courrier véhément adressé, le 14 février, par Valérie Lesage, membre du bureau confédéral et secrétaire générale de l'union départementale du Val-de-Marne, à Thierry Lepaon. Dans cette lettre, révélée par l'Agence éducation, emploi, formation (AEF), Valérie Lesage défend la journée d'action avec FO et fustige la déclaration commune avec la CFDT qui "porte à confusion, puisqu'[elle] implique de fait un accompagnement du pacte de responsabilité".  Et, dans cette démarche pour le moins inhabituelle,  elle s'en prend directement au secrétaire général : "D'une interview à l'autre, d'un écrit à l'autre, la CGT manque de cohérence, de clarté. Cela créait le flou, l'illisibilité, la confusion, tant dans les forces militantes que chez les salariés."
Accusant Thierry Lepaon de ne pas respecter les décisions du CCN, Valérie Lesage estime que cela relève de "la malhonnêteté intellectuelle". "J'alerte sur le fait, écrit-t-elle dans sa conclusion, qu'une rupture est en train de s'installer dans la CGT, dans les organisations, ainsi qu'un mécontentement de plus en plus important et nous ne pouvons faire comme s'il n'existait pas." Le secrétaire général de la CGT a précisé à l'AEF que le bureau confédéral avait "condamné unanimement le fond et la forme de ce courrier". Mais, a-t-il rassuré, "il n'y aura pas de chasse aux sorcières" contre la rebelle... »

Obligé de se positionner, Thierry Lepaon répond dans une longue interview au Nouvel Economiste le 20 février (en intégral ICI), où il justifie le maintien des liens avec la CFDT.

Fin février, une tribune anonyme (également en intégral  ICI), manifestement de dirigeants fédéraux ou départementaux, s’oppose aux orientations portées par Thierry Lepaon

 

De fait, la participation de la CGT relève du service minimum : la diffusion de l’appel intersyndical, et elle se contente de relayer très discrètement les appels des structures. Même les organisations qui ont finalement voté la participation ne mobilisent guère, quand elles ne boycottent pas la journée. Les appels sont confus, portent soit sur la protection sociale (appel d’origine de la journée), soit contre le pacte de responsabilité, soit un mix des deux sur la base de l’allègement annoncé des charges patronales. Du coup, on ne sait plus très bien où on en est. Défense protection sociale ? Contre le pacte de responsabilité du gouvernement avec le MEDEF ? Exister face à FO ?

 

Il n’en fallait pas plus pour agiter le petit milieu des appareils et bureaucrates syndicaux, et faire monter au créneau tous les prétendus « opposants » qui imaginent déjà une fracture interne entre un courant réformiste contre la journée et pour la CFDT et un courant lutte de classes pour la journée et contre la CFDT. Du coup,
Mais cela donne vraiment l’impression d’une sorte de buzz interne, qui reste sans suite.

 

Et pour cause : la question n’est pas posée de pourquoi l’échec de la journée du 6 février, pourquoi la campagne sur le coût du capital ne prend pas : les travailleurs n’y croient pas, seuls les cadres syndicaux rêvent encore à la réforme du capitalisme par une meilleure répartition des richesses (« la CGT et le coût du capital »).

Les travailleurs y croient d’autant moins que la gauche est au pouvoir, soit ils sont découragés, partagés entre le fatalisme et l’impuissance, soit ils sont combatifs mais repliés sur des enjeux locaux supposés maîtrisables (la coordination des luttes a disparu des agendas et des plateformes…), soit on ne croit vraiment pas que ce soit si simple, qu’il y ait cette sorte de recette magique pour en finir avec la crise mondiale du capital – du coup, les journées d’action à répétition juste pour exister, ça gave…

Tous nos retours d’enquête nous montrent qu’il n’y a pas de mobilisation réelle pour ce 18 mars… et que le volontarisme de certains et des plus déterminés ne peut pas suffire à faire la différence, qu’on est dans une phase d’attentisme et de confusion qu’il faut certes combattre pied à pied, mobilisation par mobilisation, partout où c’est possible, mais dans l’immédiat à une échelle malheureusement limitée.

 

Reste la deuxième question : que se passe-t-il en interne, à la CGT ? Les supposés opposants imaginent une fracture interne entre courants clairement délimités et définis. Ce n’est pas le cas, nous l’affirmons. Nous l’avons déjà dit pour le rejet de l’accord sur la formation professionnelle : ce n’était pas une marque de radicalité, mais de préservation d’un financement des structures qui « en croquent » par ce biais pour financer une partie de l’appareil syndical. C’est archi connu et de notoriété publique, comme d’ailleurs toutes les structures paritaires, validées par le patronat pour acheter les syndicalistes dans les fauteuils de la cogestion.

En fait, certains commentateurs ont noté que la CGT est quelque peu à la dérive et n’a plus de boussole (comme le titre Liaisons Sociales en janvier, voir  ICI).

Et quand il y a dérive, c’est (comme à l’UMP !!!) la guerre des chefs et des clans, des fédérations et des petites féodalités qui font le charme de notre confédération, chacune et chacun s’attachant à défendre ses prérogatives, planques et financements. Et on peut imaginer que la guerre de succession de Bernard Thibault n’est pas terminée, et que les autres prétendants savonnent consciencieusement la planche de Thierry Lepaon.

Ce qui se passe dans la Confédération n’a rien d’un affrontement entre orientations opposées : tous défendent l’orientation confédérale, à quelques détails près. Les clivages (comme sur la CFDT et le pacte de responsabilité) sont le plus souvent de circonstances, pour marquer des oppositions et les camps.

Ces fractures ouvrent certes un champ de débat et d’affirmations de positions plus radicales, mais celles qu’on voit apparaître se revendiquent de la défense des positions du dernier congrès… (voir la position de l’UD de Paris). On attend de voir le résultat des divers congrès à venir prochainement (FTM, FNIC, Energie, Santé, Verre, 93 etc.) pour voir le résultat. Mais le souci actuel, c’est la disparition politique des oppositions internes, ou plutôt leur neutralisation par le ralliement à des discours réformistes apparemment plus radicaux, comme celui sur la répartition des richesses. On est vraiment loin de la candidature de JP Delannoy au 49ème congrès confédéral (« Un candidat contre B. Thibault au 49ème Congrès ! »)…

 

La démarcation ne pourra pas se faire par une bagarre interne d’appareils, bureaucrates contre bureaucrates, mais orientation contre orientation, sur l’ensemble des points de l’orientation confédérale :

Et ainsi de suite en opposition à tous les points de la plateforme confédérale.

 

 

Pour conclure et revenir à la journée du 18 mars. Nous n’avons aucune illusion sur cette nouvelle journée d’action, et chaque syndicat fera selon ses circonstances et enjeux locaux. Nous refusons d’en faire une  pierre de démarcation entre courant réformiste et courant de classe, ce n’est pas le cas.

Quant à l’avenir de la CGT, au-delà des péripéties de l’appareil (sur lesquelles nous n’avons strictement aucune illusion), il se trouve toujours dans les mains des militants de classe qui mèneront dans les syndicats, dans les structures, la lutte contre le réformisme syndical, à tous les échelons de notre confédération…

 

Publié dans Lutte des classes

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