RETRAITES : ANALYSE PERTINENTE DU MOUVEMENT

Publié le par Tourtaux

Extrait du journal gratuit "METRO"  27 octobre 2010

Stéphane Sirot: "Les syndicats ont agi dans un sens de modération"

Stéphane Sirot, historien et spécialiste des conflits sociaux, analyse la mobilisation contre la réforme des retraites qui semble s'essouffler.

Le conflit sur les retraites semble s'essouffler. Comment l'expliquez-vous ?
Il faut faire attention à deux choses : la réalité des faits et ce qui ressort du discours. C'est vrai qu'il y a une tendance à la reprise du travail dans un certain nombre de secteurs, en particulier ceux qui sont partis en grève le plus tôt et qui ont une action visible, comme les raffineries ou les cheminots. Mais il y a en même temps des initiatives qui se déroulent toujours par ailleurs, du type débrayage dans les entreprises privées ou opérations-escargot. Toute une série d'éléments montrent donc qu'il y a encore une vivacité du mouvement. A côté de cela, on peut constater une volonté de marteler que le mouvement est en train de s'essouffler, avec l'idée qu'il faut passer à autre chose maintenant que la loi a été votée par le Parlement. C'est classique que le pouvoir politique porte ce discours. Ce qui est plus singulier, c'est que cette idée est aussi relayée par les grandes organisations syndicales, en particulier par la CFDT, mais elle n'est pas vraiment démentie par la CGT. Il y a une espèce de jonction des discours politique et des grands directions syndicales. De part et d'autre, on veut rechercher une sortie de crise. Cela pose un problème de la part des organisations syndicales : ça signifie, et c'est quelque chose d'assez inédit, qu'elles calquent désormais le temps social sur le temps politique. Or jusqu'à présent, ce n'était pas nécessairement le cas. On l'a vu en 2006 avec le CPE, où les manifestations ont continué après l'adoption de la loi.

Les syndicats sont-ils résignés ?
Je ne pense pas que ce soit une question de résignation. C'est plutôt l'illustration de ce que j'appelle un recentrage assez généralisé du syndicalisme. Il signifie notamment, de la part de la CGT et de la CFDT, une espèce de prévention face à des mouvements de trop grande ampleur. On veut éviter un rapport de force trop brutal comme celui qui était en train de se dessiner, avec les blocages, les grèves reconductibles. Ce recentrage du syndicalisme conduit à rechercher l'efficacité au moyen de journées d'action qui se répètent. Mais qui on le voit bien n'apportent quasiment aucun résultat et conduisent à chaque fois les syndicats, comme en 2003 et en 2009, à sonner la fin du mouvement sans que celui-ci ait obtenu quoi que ce soit.

Sortent-ils affaiblis de ce conflit ?
Oui et non. Ils sortent affaiblis dans la mesure où si le mouvement s'arrête, cela fera quatre fois de suite, depuis 2003, que des mobilisations de cette ampleur ne débouchent sur rien. C'est un problème : il va devenir difficile pour les syndicats de convaincre que la pratique des journées d'action est efficace. En même temps, ce n'est pas forcément quelque chose qui va les décrédibiliser durablement. Si Nicolas Sarkozy était battu en 2012, les organisations syndicales auront alors prouvé que un an et demi après, leur mouvement aura eu une forme d'efficacité politique. En revanche, si Nicolas Sarkozy était réélu, ce serait une défaite en rase campagne pour elles. Elles auraient à la fois échoué sur le moment et dans les conséquences politiques du mouvement. Un autre problème se pose par ailleurs aux syndicats : une forme de ressentiment qui risque de perdurer entre les salariés qui sur le terrain ont montré leur détermination et les directions confédérales qui ont plutôt agi dans un sens de modération.

Quelles peuvent-être les suites du mouvement aujourd'hui ?
Il va être difficile pour les salariés de résister à ce matraquage cherchant à convaincre que c'est fini. Ce discours est porté par tout le monde : le pouvoir, les syndicats, les principaux médias. Dans ce contexte, ce qui va se passer entre jeudi prochain et le jeudi suivant sera déterminant. Jeudi prochain, c'est le premier grand test d'après adoption de la loi. Le jeudi suivant, c'est la reprise des cours pour les lycéens. La réaction qu'ils auront va être un élément déterminant : si les lycéens, qui sont plus difficilement contrôlables, continuent de se montrer déterminés, là ça peut modifier la donne.

La réforme peut-elle encore avoir le destin du CPE ?
On n'a pas le même cas de figure pour deux raisons. La première, c'est que le mouvement du CPE était porté par la jeunesse, alors que celui d'aujourd'hui a été déclenché par le monde du travail. L'autre différence, c'est que lors du mouvement du CPE, les organisations de jeunesse et les syndicats de salariés s'étaient montrés déterminés jusqu'au bout à obtenir le retrait de cette loi et ne tenaient pas ce discours qui consiste à dire qu'une fois la loi votée, on arrête ou on recherche d'autres moyens. De ce fait, ça va être difficile d'obtenir un éventuel retrait.

Publié dans Lutte des classes

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T
<br /> Malgré l'évidence des trahisons des directions syndicales, à tous les niveaux, les camarades, jeunes, moins jeunes et retraités qui luttent sur le terrain ne sont pas décidés à déserter le chemin<br /> de la lutte sans compromissions.<br /> Je suis fatigué mais comme les camarades me l'ont demandé, je fais de mon mieux pour glaner les infos et les informer. Ils peuvent ainsi lire que les luttes ne sont pas prêtes de s'éteindre.<br /> Le mépris ouvertement affiché par la clique au pouvoir n'est possible qu'avec la complicité des organisations syndicales.<br /> <br /> <br />
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X
<br /> Oui mon camarade, je l'ai constaté aujourd'hui en particulier<br /> <br /> <br />
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T
<br /> De plus en plus de gens dans les manifs disent que les directions syndicales trahissent les travailleurs.<br /> <br /> <br />
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X
<br /> « Il y a une espèce de jonction des discours politique et des grandes directions syndicales. » dit Stéphane Sirot.<br /> <br /> Les dirigeants syndicaux se posent en « ministres des affaires sociales », si possible avec Sarkozy et sinon avec n’importe quel gouvernement « de gauche », en appliquant les projets économiques du<br /> PS ou du P"C"F.<br /> <br /> Par exemple pour ce dernier :<br /> Financer les investissements industriels avec l’argent public (ou les salaires, comme les 32 milliards de cotisations dont le patronat a été exonéré) et adapter les chômeurs au marché de l’emploi<br /> par la polyvalence.<br /> <br /> D’ailleurs on retrouvait déjà lors du 48e congrès certaines connivences avec la déclaration de Sarkozy « retrouvons le plein emploi grâce à la Sécurité Sociale Professionnelle » La Tribune - 12<br /> décembre 2005 ]<br /> <br /> Il y déclarait notamment :<br /> « il convient que les protections soient désormais attachées aux salariés et non aux emplois qu'ils occupent. La CGT et la CFDT le réclament depuis longtemps, à juste titre. »<br /> <br /> « protégeons tous les salariés de manière à la fois plus juste et plus effective, à travers l'institution d'un contrat de travail unique à durée indéterminée qui permettrait de réunifier notre<br /> droit du travail. Le contrat unique à durée indéterminée serait assorti de garanties fortes dès le premier jour, et se renforcerait avec le temps, sous la forme notamment d'indemnités croissantes<br /> en fonction de l'ancienneté. »<br /> <br /> « quel que soit son parcours, un salarié français devrait garder l'accès à la formation professionnelle tout au long de la vie. C'est la clé de la promotion sociale. »<br /> <br /> On comprend dès lors le véritable sabotage réalisé par ces dirigeants syndicaux.<br /> Pour s'en donner une idée, le document interne de la CFDT ici :<br /> http://ouvalacgt.over-blog.com/ext/http://www.archive-host.com/count-626618-Intersyndicale21Oct2010CFDT.pdf<br /> <br /> <br />
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T
<br /> Nous sommes sur la même longueur d'onde moderateur<br /> <br /> <br />
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