UN EMPLOI FICTIF A LA CAISSE DES DEPOTS?

Publié le par Tourtaux

Un emploi fictif à la Caisse des dépôts

|Mediapart  Par Laurent Mauduit

 

C’est une histoire minuscule en marge des grandes manœuvres dont Veolia est actuellement l’objet mais qui en dit long sur les mœurs du capitalisme à la française : selon nos informations, l’actuel directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Augustin de Romanet, dont le mandat arrive à échéance le 7 mars prochain, a demandé à garder une fonction au sein de l’institution financière, et cela dans le seul souci de conserver le mandat d’administrateur qu’il détient à ce titre au sein du leader mondial des services collectifs.

Officiellement, Augustin de Romanet doit certes abandonner le 7 mars ses fonctions de directeur général de la CDC. Ainsi en a décidé Nicolas Sarkozy, qui a renvoyé au lendemain de l’élection présidentielle le choix de son successeur. L’actuel patron devrait donc à cette date réintégrer son corps d’origine et abandonner ses différentes fonctions d’administrateurs qu’il occupait en sa qualité de patron de la CDC, dont son mandat d’administrateur de Veolia. C’est la loi qui le veut : le code pénal interdit à un fonctionnaire d’être administrateur d’une entreprise privée.

Seulement voilà ! Augustin de Romanet ne l’entend pas de cette oreille. Selon une source à laquelle Mediapart a eu accès au ministère des finances, le futur ex-patron de la CDC a demandé à la ministre du budget, Valérie Pécresse, de bénéficier d’un passe-droit sans précédent, celui d’être maintenu sous une forme ou une autre à la CDC. Si sa demande devait être acceptée, l’intéressé bénéficierait donc de ce qu’il faut bien appeler un emploi fictif à la CDC, dans le seul but de préserver son statut d’administrateur au sein de Veolia.

Visées sur la CNP

Augustin de Romanet est en effet un allié de longue date d'Henri Proglio. Du temps où ce dernier était encore patron de Veolia, c’est en sa faveur qu’Augustin de Romanet a milité pour que la branche transports de la CDC, Transdev, soit mariée. Et c’est ainsi que la société publique a fusionné avec son principal rival, Veolia Transports. Soit dit en passant, ce dossier est l’un des sinistres financiers gravissimes que la CDC n’a pas fini d’éponger.

Si Augustin de Romanet tient tant à conserver son mandat chez Veolia, c'est que, comme l'a déjà raconté Mediapart (voir Boorlo, Alain Minc m'a tuer), il y a eu un deal entre Henri Proglio et Angustin de Romanet: l'un et l'autre se sont promis de se faire la courte échelle dans leurs différentes entreprises.

Le PDG d’EDF, Henri Proglio, comptait beaucoup sur Augustin de Romanet dans la guerre contre son successeur à la tête de Veolia, Antoine Frérot, pour essayer de le débarquer. De son côté, Augustin de Romanet cherche désespérément à se recaser, depuis qu'il sait qu'il a perdu la direction de la Caisse des dépôts. Un moment, il a même caressé l'idée de prendre lui-même la présidence de Veolia. Finalement, Henri Proglio lui a fait miroiter une autre proposition. En échange de son soutien à Veolia, Henri Proglio lui promettait de défendre sa candidature pour la présidence de la Caisse nationale de prévoyance (CNP), filiale de la Caisse des dépôts. Henri Proglio étant administrateur et président du comité des nominations de la CNP, il avait quelques chances de se faire entendre.

 Ainsi va la vie à la Caisse des dépôts ! Le directeur général sortant a beau être celui qui, conduisant une politique d’embauche clanique, a tourné le plus spectaculairement le dos à la tradition trans partisane de sa maison et celui qui a favorisé les investissements les plus contestables, sinon les plus sulfureux, il n’en continue pas moins de vouloir jouer de son influence en coulisse.

Sa demande de maintien, toutefois, est compromise. Depuis que la tentative de parachutage de Jean-Louis Borloo a été éventée, le dossier Veolia est devenu de la nitroglycérine pour l'Elysée. Nicolas Sarkozy a donné ordre de tout arrêter. Et de l'avis de tous les observateurs, le dossier est refermé jusqu'après l'élection présidentielle. Dans ce contexte, beaucoup doutent que le ministère des finances acceptera de relancer la polémique, en approuvant la "demande extraordinaire" d'Augustin de Romanet de se maintenir au conseil d'administration. Et il a une raison toute trouvée pour lui refuser cette faveur : c'est illégal.

Contacté à deux reprises par Mediapart, ce jeudi matin, par mail et par téléphone, avant la mise en ligne de cet article, le responsable de la communication auprès d'Augustin de Romanet n'a pas donné suite à notre appel, comme nous le signalions dans notre "boîte noire". Nous avons ensuite, dans l'après-midi reçu ce droit de réponse d'Augustin de Romanet: « Je regrette que vous n’ayez pas jugé utile de me joindre personnellement avant de publier votre article : "Un emploi fictif à la Caisse des dépôts". Contrairement à vos affirmations, je n’ai demandé aucun "passe droit" à Valérie Pécresse. Je n’ai pas même évoqué la question de ma future affectation dès lors qu’il est acquis que je réintègre automatiquement et de droit le 8 mars 2012, le corps interministériel des administrateurs civils. Les propos tenus sur des prétendus arrangements avec Henri Proglio sont mensongers et injurieux pour lui comme pour moi. Je démens formellement ces affirmations honteuses et calomnieuses et je vous indique qu’en l’absence de publication rapide de ce droit de réponse, je saisirai les tribunaux compétents. »

Publié dans Politique

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