EN COLOMBIE LES CRIMES D'ETAT CONTRE LES OPPOSANTS SONT QUOTIDIENS !

Publié le par Tourtaux

" EN COLOMBIE IL DISPARAÎT ENTRE DEUX ET TROIS PERSONNES PAR JOUR "

 

Plainte des organismes de droits humains colombiens

Le frère de Gloria Luz Gómez a disparu en 1983. Il était un leader étudiant qui « rêvait d’une éducation de qualité ». Son corps fut découvert quelques jours plus tard avec des marques de torture. Linda Paola Medina a perdu son frère en 1988. Outre son militantisme estudiantin, il a participé à la formation de l'Union Patriotique. Les deux femmes se sont rassemblées pour la vérité et la justice, et pour sortir les disparus du silence.

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Disparitions, exécutions extrajudiciaires, déplacements forcés, para-militarisme, des paysans que l’on présente comme des guérilléros morts au combat pour obtenir des rétributions financières… la liste des violations des droits humains en Colombie est très longue et elle ressemble aux temps où ils envoyaient les militaires avec la complicité de beaucoup. Gloria Luz Gómez et Linda Paola Medina luttent avec l'Association de Parents de Prisonniers Disparus pour sortir du silence les victimes de la « guerre sale » et pour savoir ce qui s’est passé avec leurs parents.

Deux décennies ont passé depuis la disparition de vos frères. Comment ont été ces années de recherche ?

Gloria Luz GÓMEZ : Très difficiles. Mon frère, de 19 ans, suivait la dernière année de Baccalauréat dans un collège du secondaire à Bogota. Il a toujours été très impliqué dans les luttes des étudiants et un de ses plus grands désirs était d'obtenir une éducation de qualité. Le 14 novembre 1983 il est sorti de la maison pour aller faire des achats et il n'est pas revenu. Quelques jours plus tard, nous avons trouvé son corps entièrement torturé. Nous n'avons jamais su qui l’a enlevé, ni qui l'a torturé et encore moins qui l'a tué.

Leonardo était l’ami de quelques étudiants qui ont disparu de manière sélective et progressive. Ce cas, qui a commencé le 4 mars 1982 et s’est achevé le 13 septembre, a donné naissance à notre association. 26 ans après, leurs familles ne savent toujours pas ce qui s’est passé. Ils ont trouvé les corps de deux d'entre eux, torturés et mutilés. En mars, Asfaddes a eu 26 ans. Le 4 mars 1983 nous sommes sortis pour la première fois dans les rues principales de Bogota pour exiger les preuves de vie, le jugement et le châtiment des responsables. Depuis lors, notre tâche a été la dénonciation publique. En Colombie, il disparaît entre deux et trois personnes par jour. Il est impossible de quantifier combien il y a de disparus car beaucoup de familles ont peur de dénoncer. De plus, beaucoup ont dû se déplacer vers les villes suite aux menaces.

Linda Paola MEDINA : C’est ma mère qui a été entamé la recherche, elle était une femme paysanne, très humble. La Police Nationale a arrêté mon frère le 19 février 1988 à Neiva, dans la région de Huila. Ils l'ont embarqué dans une camionnette et ils l’ont enfermé dans une cellule d'un des organismes de sécurité. Nous n'avons jamais su ce qui s’est passé avec lui. Il était un leader étudiant dans la Faculté de Linguistique et Littérature de l'Université Colombienne. Il a participé au processus de formation de l'Union Patriotique. Douze ans après, nous avons obtenu que le sous-lieutenant de la Police de Huila soit condamné à 45 mois de prison. Mais il n’a même pas passé un seul jour en prison. Quelques temps avant il avait été destitué pour venir élargir les files des paramilitaires. C’est triste de savoir qu'à 70 ans, ma mère l'attend encore. Contrairement à ce qui se produit avec les détenus, lorsqu’on parle de disparus il se répand l'idée « qu’ils ont fait quelque chose de mal » et que c'est pour cela qu’ils ont disparu. Quand tu vas déposer plainte, ils te disent que « il est parti parce qu'il avait une dette, d'autres femmes ou parce qu’il a rejoint la guérilla ».

Dans le cas de mon frère, nous n'avons pas obtenu justice mais, au moins, nous sommes parvenus à ce qu'il soit connu, il a même été traité dans la Commission Interaméricaine des Droits Humains.

Des Organismes de droits humains ont dénoncé la criminalisation de leur travail de la part de l'État. Votre association a-t-elle aussi vécu cette situation ?

G.L.M : En tant que victimes de la disparition, nous sommes constamment menacées et sommes poursuivies. Nous ne sommes pas reconnus comme une organisation légitime. Tous les jours il y a des avertissements adressés par le Gouvernement. Les supposés groupes paramilitaires qui avaient été démobilisés, ont simplement changé de nom et continuent à menacer toutes les organisations de défense des droits humains. Celui qui exige la reconnaissance de ses droits est traité de « terroriste ». En Colombie, les défenseurs des droits humains sommes réprimés par le Gouvernement de Álvaro Uribe. Malgré le harcèlement et les menaces que nous fait le Gouvernement, nous continuons d’accompagner les familles dans leur recherche, dans la plainte pour que l'État mette en pratique tous les outils juridiques qu'il a pour mettre un frein à cette pratique et surmonter l'impunité. Depuis tant d'années avec cette lutte, nous avons obtenu que la disparition forcée soit assignée comme un délit. Malgré que les militaires aient été tout le temps contre, en juillet 2000, cela a été officialisé par la Loi 598, qui ordonne la création d'une commission de recherche des personnes disparues. Mais, durant ces neuf années les avancées ont été très minimes car il n'y a pas de volonté politique pour renforcer cette commission et qu’elle puisse ainsi accomplir ses fonctions.

Le président Álvaro Uribe se vante des réussites de sa Politique de Sécurité Démocratique. Comment la qualifiez-vous?

G.L.M : Pour nous, la Politique de Sécurité Démocratique est un leurre, c’est une plus grande répression bien que plus raffinée, qui se fait en douce pour être invisible aux yeux de la Communauté internationale.

En Colombie, on affirme que chaque jour il se produit entre deux et trois disparitions. Quelle couverture médiatique reçoivent-elles ?

G.L.M : Les médias sont entièrement au service du Gouvernement. Ils ne montrent pas la réalité colombienne. Les cas qu'ils laissent à connaître ils les utilisent comme propagande et parce qu'ils ne peuvent pas les cacher. La majorité des violations graves des droits humains reste cachée. Ils parlent seulement des détentions, des sauvetages, d'Ingrid Betancourt, mais ils ne mentionnent pas les milliers et les milliers de citoyens qui disparaissent, que nous ne pouvons même pas quantifier, ni même les familles touchées par cette pratique, ils ne parlent pas non plus du déplacement forcé, de la criminalisation de la protestation ou des conditions d'insalubrité dans lesquelles se trouvent les prisonniers politiques.

Toute cette problématique est occultée dans les médias qui reprennent uniquement et montrent ce que leur ordonne le Gouvernement. On parle de la détention qui est grave également, mais jamais proportionnellement aussi grave que les cas de disparition forcée. Il y en a plus de 50.000. Les « faux positifs », qui maintenant sont sortis à la lumière parce que la situation déborde, se sont les Forces Armées qui sont les responsables et il y a plus de 20 ans qu'ils se produisent.

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"Les faux positifs sont des crimes d'État"

Les disparitions sont à l'ordre du jour, ainsi que les menaces et les attaques. Comment vivez-vous toute cette situation ?

L.P.M : La peur et l'angoisse de savoir qu'à tout moment tu peux être victime d'une disparition forcée sont constantes. Quand tu marches dans la rue, tu n’as pas confiance en ces agents de l'État qui sont postés à quelques mètres de distance et qui étant supposés te protéger risquent de te faire du mal à tout moment.

Exécutions extrajudiciaires pour justifier la voie militaire

La Mission Internationale d'Observation sur les Exécutions Extrajudiciaires et l'Impunité en Colombie, composée par treize professionnels indépendants - juristes, journalistes, anthropologues, légistes et experts en droits humains -  a exprimé sa préoccupation pour « le nombre élevé » d'exécutions extrajudiciaires, qui « restent dans l'impunité absolue ».

« Nous avons trouvé des modèles communs, qui prouvent que ce ne sont pas des faits isolés mais des conduites systématiques qui répondent à une préméditation. Les victimes étaient des paysans humbles, des indigènes, des chefs communautaires et des personnes socialement marginalisées. Dans beaucoup de cas, elles ont été privées arbitrairement de leur liberté par l'Armée, habillées avec des tenues militaires et exécutées. Ensuite, elles ont été présentées comme des guérilléros ‘’morts au combat ’’ », conclut le rapport final de la mission, publié hier à Bilbo.

Il alerte sur « l'existence de contreparties financières, professionnelles et des récompenses à la Force Publique pour la présentation de « positifs » - pertes dans le camp « ennemi » - et de l'intimidation des parents et des témoins ». Il considère « préoccupant » que de hauts fonctionnaires de l'État, y compris le président et le ministre de la Défense, insinuent en public que des organismes de droits humains sont en train de faire un travail de dénonciation pour « discréditer les forces armées, ce qui met ces organisations dans une sérieuse situation de risque ».

Dans des déclarations à GARA, l'avocate Liliana Uribe, de la Corporation Juridique Liberté de Medellín, qui a participé à la présentation, met comme exemple les déclarations du ministre de la Défense, Juan Manuel Santos, qui en septembre 2008, a accusé les organismes qui ont préparé cette mission « d’ouvrir une guerre juridique et politique en faveur de la guérilla ».

Elle souligne que « la différence avec des époques précédentes c’est que maintenant c’est l'Armée qui commet directement les exécutions et les disparitions avec le prétexte de la lutte contre le crime, la guérilla ou les paramilitaires ». « Pour la guerre, le Gouvernement destine 6,7% du Produit Intérieur Brut du pays, plus que les USA ou Israël. Il y a une nécessité permanente de démontrer qu'il est possible de mettre en échec ces groupes par la voie militaire. Dans ce combat, peu leur importe de sacrifier la vie de beaucoup de personnes. Le président lui-même dit à la Police et à l'Armée « tuez-les, j’en réponds ». Il n'y a aucun respect pour la vie ; jusque dans les hautes instances du pouvoir on consent la peine de mort, qui est interdite dans le pays ».

Bogota vient d'annoncer une nouvelle opération militaire contre les FARC baptisée « Saut stratégique ». Uribe ne doute pas qu'elle comportera « encore plus de violations contre la population civile ».

Auteur : Ainara Lertxundi

Traduction : Esteban


Source : http://letacle.canalblog.com/

Publié dans Les Amériques

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T
Le commentaire que je viens de faire à l'article suivant illustre tout à fait ton propos.
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C
C'est véritablement honteux ce qu'il se passe en Colombie, pays qui paie un lourd tribut ( tout comme la Palestine) face à la désinformation.<br /> Comment faire tomber les tabous longuement mis en place par des média corrompus, comment montrer à la face du monde la réalité...au Mexique, c'est le même problème....désespérant.
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