ISRAEL AMPLIFIE SA GUERRE CONTRE LA LIBERTE D'EXPRESSION DANS LE PAYS

Publié le par Tourtaux

Israël : Attaque contre la liberté d’expression

dimanche 31 juillet 2011 - 06h:18

Ahmad Tibi - Député arabe à la Knesset


L’approbation d’une législation à ce point irresponsable et réactionnaire met en évidence les longues décennies d’injustices israéliennes contre les Palestiniens et nous donne quelque part une victoire politique.
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Ahmad Tibi, député arabe à la Knesset

La liberté d’expression en Israël a pris un coup sévère ce mois-ci quand le parlement du pays a voté la législation anti-boycott qui cible les personnes ou les organisations appelant publiquement à un boycott contre Israël ou contre toute région sous son contrôle.

Parce que je crois à la fin de l’occupation israélienne du territoire palestinien, à des droits égaux entre Palestiniens et juifs, et au droit au retour des réfugiés palestiniens contraints de fuir leurs foyers et leurs terres en 1948, je soutiens le boycott, et j’appelle les autres à boycotter les sociétés israéliennes qui contribuent à perpétuer ces injustices.

Mais cette nouvelle restriction juridique à la liberté d’expression peut réduire cela à néant.

Les dirigeants israéliens ne me jetteront pas en prison pour avoir soutenu publiquement de tels boycotts, mais les organisations de colons peuvent prétendre à des indemnités financières sans avoir à démontrer la réalité d’un quelconque préjudice. En outre, les organisations qui soutiennent les boycotts peuvent se voir refuser toute déduction fiscale de leurs cotisations et toute subvention de l’État. Cette semaine, j’ai déposé un recours contre cette loi devant la Haute Cour.

Et déjà, un député de la Knesset, notre Parlement, Alex Miller, a menacé de m’intenter un procès pour mes propos, en particulier pour mon appel - que je maintiens aujourd’hui - au boycott de la colonie illégale juive d’Ariel. Un tel appel serait anodin dans une véritable démocratie ayant une pleine liberté d’expression. Le droit de critiquer une population qui a dépossédé les Palestiniens et qui nous discrimine depuis des décennies doit être protégé.

Peut-être que mon immunité parlementaire va me protéger, mais elle peut aussi facilement m’être retirée. En outre, l’immunité parlementaire ne protégera pas les Israéliens qui exhortent leurs concitoyens à ne pas acheter les produits de beauté Ahava, créés depuis les ressources naturelles de la mer Morte et fabriqués dans une usine d’une colonie illégale de Cisjordanie, qui les exhortent à éviter de consommer les vins du plateau du Golan et à faire travailler des entreprises de la construction autres que celles qui construisent des logements discriminatoires réservés aux colons dans Jérusalem-Est occupée.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a fièrement endossé la paternité du projet de loi pour son parti, le Likoud, déclarant : « Ne soyez pas troublés : j’ai autorisé ce projet. Si je ne l’avais pas fait, il ne serait pas arrivé jusqu’ici. » Étant donné l’accueil chaleureux qui fut réservé à Netanyahu par le Congrès américain quand il s’est rendu aux États-Unis il y a quelques semaines, je crains que la plupart des membres du Congrès n’émettent même aucune protestation, alors qu’Israël, allié clé des Américains qui se présente lui-même comme la « seule démocratie au Moyen-Orient », s’égare à voter une législation antidémocratique et manifestement sectaire.

La législation anti-boycott du Parlement israélien constitue un effort sans précédent visant à saper la résistance non violente à l’oppression israélienne. Beaucoup de personnes pensent que rendre la non-violence plus difficile va conduire inévitablement à la violence. Ce ne sera pas le cas. L’approbation d’une législation à ce point irresponsable et réactionnaire met en évidence les longues décennies d’injustices israéliennes contre les Palestiniens et nous donne quelque part une victoire politique. Par cette législation, Israël attire encore plus l’attention sur son occupation violente du territoire palestinien et ses violations coutumières du droit international.

Les colons et leurs représentants élus dans les colonies règnent maintenant sur le paysage politique d’Israël, et bien peu vont oser leur résister. Cette réticence face aux violations répétées des colons nuit à la société israélienne et au gouvernement U.S.

L’un des principaux quotidiens d’Israël, Ha’aretz, a écrit dans un éditorial que la législation anti-boycott était « une loi politiquement opportuniste et antidémocratique, la dernière d’une série outrageusement discriminatoires et poussant à l’exclusion adoptées au cours de la dernière année, et qu’elle accélérait le processus de transformation du code juridique d’Israël en un document dictatorial inquiétant. Elle jette l’ombre menaçante du délit sur chaque boycott, pétition et même opinion exprimée dans la presse. Très vite, tout débat politique va être réduit au silence ».

Ha’aretz pourrait bien avoir raison. Je préfère penser cependant que les débordements d’extrême droite en Israël finiront par réveiller les gens de bonne volonté aux États-Unis et en Europe, et qu’il va s’exercer plus de pressions sur le gouvernement israélien pour le faire changer de cap. En dépit des espoirs des politiques américains, Israël ne changera pas de lui-même. Seule, une pression internationale réelle y obligera le gouvernement israélien. Jusque-là, nous pouvons nous attendre à de nouvelles législations discriminatoires et antidémocratiques de cette Knesset.

Sur cette loi israélienne anti-boycott :

-  La charge du New York Times contre Israël - Uri Avnery
-  Il y a de la méthode dans la folie de Nétanyahou : Israël exclut la non-violence - Jonathan Cook
-  Israël est incapable de gérer le militantisme palestinien non violent - Abir Kopti
-  La loi ’herem’ dans le contexte du passé et du présent juifs - Gilad Atzmon
-  La loi sur le boycott intensifie la répression en Israël - Neve Gordon
-  La Knesset vote la loi contre le boycott, pendant que le Festival de la Littérature de Londres l’approuve - Eleanor Kilroy
-  Après avoir interdit la Cisjordanie aux internationaux, Israël veut faire de même avec les Israéliens - Joseph Dana
-  Loi Boycott 2011 Israël : tout dépend de ce que vous boycottez - Adam Keller

et

-  "Palestine, Israël, Allemagne : les limites du débat ouvert", Conférence, Fribourg, Allemagne 10 et 11 septembre - Gilad Atzmon

(JPG) Ahmad Tibi, Palestinien d’Israël, est vice-président au Parlement israélien.

Du même auteur :

-  La « Tahririsation » et l’État de la démocratie israélienne
-  La cible : les Arabes

Voir aussi :

-  Député Ahmed Tibi, croyez-vous que Netanyahu a changé et qu’il s’oriente vers la paix ? - Jonathan Lis - Ha’aretz

28 juillet 2011 - The New York Times - traduction : JPP

 

http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=10951

Publié dans Israël

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